GS Mag : Vous êtes un spécialiste des Datacenters. Que pensez-vous des « offres constructeurs » ?

Claude Dos Santos : Deux types de constructeurs sont à considérer : les constructeurs de matériels informatiques et les constructeurs d’équipements (climatisation, onduleurs, baies, supervision….).
Les premiers construisent des serveurs et développent des applications. Les seconds construisent les équipements, nécessaires au fonctionnement des premiers.
Ces deux familles échangent au gré des accords commerciaux, le leitmotiv dans les deux cas étant de faire du chiffre et de produire.

Les offres constructeurs sont packagées, standardisées et bien entendu fermées pour éviter toute fuite vers des produits ou solutions extérieurs. Un marketing très puissant accompagne ces offres.

Il faut que les clients comprennent que l’objectif d’un constructeur est de produire. Il doit faire des affaires rapides, sans alourdir sa structure, c’est-à-dire sans investir dans des moyens autres que ceux destinés à produire.
Pourtant les phases avant-vente, construction, formation à la conduite des installations et maintenance nécessitent la mise en place de moyens sérieux pour bien comprendre le besoin et construire dans les règles de l’art, avec des coûts de maintenance raisonnables.

La vulgarisation est intéressante mais attention de ne pas sombrer dans la simplicité excessive.

Par exemple, les constructeurs font des clichés sur la capacité de leurs concepts à refroidir des baies à haute densité. Or, notre expérience montre que la haute densité (+ de 10 KW/Rack) ne concerne qu’une infime partie des cas.

Un rack de 42 U remplis de serveurs pèse environ 1 tonne et la charge au sol admissible d’une dalle béton classique ne supporte pas ces charges. Ou est l’intérêt d’investir dans un système de refroidissement haute densité inutile et inutilisable ?

Nous voyons très souvent des installations aberrantes, avec des circulations d’eau glacée au-dessus des baies.

Nous voyons également des productions d’eau glacée et des onduleurs surdimensionnés, totalement en marge des besoins du client, sous couvert d’une hypothétique évolutivité.

L’évolutivité est une caractéristique régulièrement mise en avant. Mais nous constatons des erreurs de conception conduisant à de multiples SPOF entraînant l’impossibilité d’évoluer sans arrêter les installations et donc la production informatique.

Les solutions packagées sont pertinentes si la haute densité est avérée, par exemple dans un centre de calcul et ne sont pas exemptées d’une installation dans les règles de l’art.
Il ne faut surtout pas les généraliser à l’ensemble des besoins sous peine d’en payer inutilement le prix.

GS Mag : Vous ne faîtes donc jamais appel aux offres constructeurs ?

Claude Dos Santos : Une solution packagée ne répond jamais précisément aux besoins du client. Pourquoi un client devrait adapter ses besoins au produit et non l’inverse ? Pourquoi le client devrait accepter de payer un élément dont il n’a pas besoin, sous prétexte que celui-ci fait partie du produit en question ? A l’inverse, pourquoi un client devrait se passer d’une option dont il a besoin, sous prétexte qu’elle n’est pas compatible avec la marque installée ?

Comme je l’ai dit précédemment, une offre constructeur intègre un maximum de composantes d’une seule et même marque. JERLAURE a la compétence de concevoir et de construire un Datacenter en s’adaptant au besoin d’un client. Nous concevons une solution en totale adéquation en synchronisant les produits du marché les mieux adaptés, qui peuvent d’ailleurs être issus de différentes solutions packagées, en toute indépendance de marque. Ici résident notre particularité et notre valeur ajoutée, car nos clients sont certains de disposer d’une solution à leur mesure, et couvrant la totalité du périmètre du projet.

Par analogie à l’habitation, dans un cas, on vous impose de vivre dans une maison conçue pour tous alors que nous, nous proposons une maison d’architecte conçue pour vous. La différence est de taille.

GS Mag : Et en matière de coût ?

Claude Dos Santos : Le domaine de compétences d’un DSI n’intègre pas forcément les connaissances nécessaires à l’analyse objective d’une offre Datacenter et les raz-de-marée marketing sont conçus pour inhiber toute résistance aux tendances. De plus, les offres constructeurs sont volontairement confuses et difficilement dissécables.
Malgré toutes les idées reçues, une offre constructeur est plus coûteuse à tous points de vue (CAPEX et OPEX) à prestations équivalentes.
Nous voyons régulièrement des écarts de 30 à 50 %, justifiés par le simple fait que l’offre est réalisée par un constructeur informatique de renom.

Nous voyons également des offres constructeurs commercialisées par des grossistes informatiques à des prix « discount ». Il est pourtant clair qu’un grossiste est incapable de mettre en œuvre un Datacenter et d’en assurer le suivi, même s’il prétend accompagner sa solution d’une prestation d’ingénierie, qui se résume à une mise en œuvre sans aucune assurance ni garantie.

Il faut impérativement prendre le temps d’analyser et de comparer des choses comparables. Les DSI peuvent se faire accompagner par des spécialistes Datacenter indépendants dont nous faisons partie.

GS Mag : Comment voyez-vous l’avenir du Datacenter ?

Claude Do Santos : Les DSI sont aujourd’hui en charge de leur Datacenter. Certains s’en effrayent et s’en libèrent en postulant pour un hébergement extérieur bien plus coûteux. Oui, l’hébergement externe, est plus coûteux que de construire un Datacenter chez soi à niveau de disponibilité égal. Le ROI que nous constatons est compris entre 3 et 5 ans. L’étude réalisée et publiée par Gartner le mois dernier confirme ce constat.

D’autres pensent se protéger en investissant dans une solution à très forte notoriété.

D’autres encore s’intéressent, réfléchissent et acquièrent la ferme conviction que des solutions bien conçues ne poseront pas de problème et seront pérennisées.

L’hébergement externe est très onéreux avec des coûts cachés imprévisibles et des possibilités de retour en arrière très compliquées, voir impossibles. De plus, aller à l’hébergement externe implique pour beaucoup de DSI une proximité avec leurs serveurs. Les grandes villes étant saturées sur un plan énergétique, ils devront accepter des distances plus longues et des temps de déplacement non négligeables.
Le marché de l’hébergement externe devrait se stabiliser au profit des petits Datacenters. Notre positionnement sera aux côtés des DSI qui souhaitent doter leur entreprise de solutions pérennes et adaptées à leur besoin. Nous communiquerons sur la nécessité de privilégier l’utile à la tendance, tout en restant attentif aux réelles évolutions technologiques.

Enfin, nous avons développé un Datacenter en total free cooling permettant de supprimer les systèmes de climatisation traditionnels (Modules inter-baies ou armoires de climatisation). Outre l’aspect Green IT, ce nouveau concept de Datacenter permet de réduire la facture énergétique qui devrait s’alourdir considérablement dans les années à venir.

GS Mag : Que conseillez-vous à un DSI souhaitant acquérir une solution Datacenter ?

Claude Dos Santos : Je leur conseille de s’intéresser à l’essentiel en sortant des aspects strictement utilisation. Aujourd’hui la stratégie de vente des commerciaux de solutions packagées est de concentrer le regard du client sur les solutions de supervision plutôt que sur la constitution des architectures techniques pourtant essentielle.
C’est comme si un vendeur de voiture détaillait très longuement le coté ludique et subjectif du tableau de bord d’un véhicule en laissant volontairement de coté les aspects techniques et objectifs tels que la motorisation et le système de freinage.

Certains DSI disposent d’une culture technique surprenante, pourtant bien en marge de leurs attributions. Pour eux, la compréhension ne sera pas un problème car ils auront la plupart du temps l’autorité de compétences sur les vendeurs de solutions packagées.

Ceux qui ne disposent pas d’une culture technique suffisante doivent se faire accompagner par un spécialiste, en prenant bien soin de vérifier que le conseil ne soit pas juge et partie.

Malheureusement pour les autres, je crains fort qu’ils soient entraînés dans les courants « tendances » sous couvert de « révolutions technologiques ».

Contact : JERLAURE
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