Réseaux sociaux : la face carbone du double numérique
décembre 2024 par Greenly
Greenly, expert en comptabilité carbone, a réalisé une analyse approfondie pour comprendre l’impact environnemental des réseaux sociaux. Chaque action sur les plateformes comme Facebook, Instagram, TikTok ou YouTube génère des émissions de gaz à effet de serre , principalement dues à la consommation d’énergie des data centers et des serveurs. Les vidéos en streaming et l’utilisation intense d’appareils énergivores des utilisateurs tels que les smartphones et les ordinateurs portables représentent également les postes les plus émissifs. Cette étude souligne la responsabilité partagée entre les entreprises de médias sociaux, qui s’efforcent de contribuer à réduire leur empreinte carbone, et celle de leurs utilisateurs, dont les habitudes de consommation ont un impact significatif. Elle met en lumière l’importance de prendre conscience de cette empreinte carbone numérique, souvent négligée, en encourageant des actions pour la réduire.
Match des réseaux sociaux et stratégies en faveur de la neutralité carbone
Greenly met en garde contre l’usage imprécis et excessif des termes "neutralité carbone" et "net zéro", souvent mal compris par les entreprises, notamment dans le secteur de la tech et des réseaux sociaux. Elle souligne qu’il est impossible d’atteindre une véritable neutralité carbone à l’échelle d’une entreprise ou de sa chaîne de valeur, cet objectif n’étant réalisable qu’à l’échelle d’un pays ou au niveau mondial. Elle préconise une approche plus réaliste et transparente, en se concentrant sur une compatibilité avec les objectifs climatiques globaux plutôt que sur des revendications parfaites mais inatteignables.
● Meta, 7,4Mt CO2e, une stratégie basée sur les énergies renouvelables
Meta (Facebook, Instagram, Threads), géant des réseaux sociaux, s’est positionné comme un leader en matière de durabilité dans l’industrie technologique. L’entreprise a réalisé d’importants investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité opérationnelle en 2020. Entre 2017 et 2023, Meta a réduit ses émissions opérationnelles de gaz à effet de serre de 94% en devenant l’un des plus importants acheteurs d’énergie renouvelable au monde avec plus de 11 700 MW contractés. Ses data centers sont parmi les plus performants de l’industrie, avec un PUE (Power Usage Effectiveness" ou Efficacité de l’utilisation de l’énergie) environ de 1,08, quand la moyenne est de 1,8 et un WUE (Water Usage Effectiveness, indicateur déterminant la quantité d’eau directe consommée) de 0,18 L/kWh, quand la moyenne est de 0,5 L/kWh. Cette approche a permis à Meta d’éviter l’émission de 16,4Mt CO2e depuis 2021. Fin 2023, 76 projets d’énergies renouvelables de Meta sur 98 étaient opérationnels.
L’entreprise ambitionne maintenant de s’attaquer à sa chaîne de valeur d’ici 2030, un défi majeur impliquant la réduction des émissions de scope 3. Pour y parvenir, Meta a lancé un programme d’engagement des fournisseurs, dont 28% d’entre eux ont déjà fixé des objectifs de réduction d’émissions.
Malgré ces efforts, Meta fait face à des défis continus, notamment avec l’expansion de ses activités dans des domaines énergivores comme l’intelligence artificielle et le métavers, nécessitant une vigilance constante pour maintenir sa trajectoire de durabilité.
● X (ex Twitter), des engagements durables
Avant son rachat par Elon Musk, Twitter avait établi des objectifs ambitieux en matière de durabilité. Ces initiatives comprenaient la compensation carbone, la réduction des déchets, l’utilisation d’énergie renouvelable dans ses bureaux et ses data centers, ainsi que l’obtention de certifications de bâtiments verts. Cependant, depuis l’acquisition de Twitter et le rebranding en X, l’avenir des engagements environnementaux de l’entreprise est devenu incertain. La vague de licenciement et l’absence de mises à jour sur les objectifs environnementaux soulèvent des inquiétudes quant à la priorité accordée à ces initiatives. Les défis persistent, notamment en ce qui concerne la décarbonation de ses data centers, face à la croissance du trafic des contenus vidéos et des live streamings.
En 2022, Greenly avait réalisé une étude sur l’émission d’un tweet, évalué à 0,026 gCO2e. Pour connaître l’empreinte carbone de X, Greenly a pris en compte les 867 millions de tweets envoyés par jour, soit 316 milliards de tweets publiés chaque année. Sur une année, et en partant de la donnée juste de 0,026 gCO2e, Twitter émet 8200 tCO2e, l’équivalent de 4 685 vols Paris-New York.
Malgré l’implication de Musk dans d’autres entreprises durables, le manque de transparence actuel sur la stratégie de durabilité de X rend difficile toute prédiction. Des opportunités demeurent pour réengager l’entreprise dans des efforts environnementaux, mais sans engagement clair, X risque de prendre du retard par rapport à d’autres géants technologiques poursuivant des stratégies climatiques agressives.
● TikTok, des efforts pour mitiger une empreinte importante (90,67 millions de tCO2e).
TikTok, détenue par ByteDance, est devenu l’un des réseaux sociaux les plus populaires au monde, mais son impact environnemental est préoccupant. L’entreprise vise une réduction de 90% de ses émissions opérationnelles et une transition vers 100% d’énergie renouvelable pour ses data centers. Cependant, TikTok fait face à des défis uniques en raison de sa base d’utilisateurs massive et de son infrastructure énergivore.
L’application émet 4,93 gCO2e/minute d’utilisation, soit 7,4 fois plus que YouTube. Ainsi, pour estimer l’empreinte carbone annuelle du géant chinois, Greenly s’est appuyé sur les données de Sensor Tower, qui estime la base d’utilisateurs actifs de TikTok à 1,1 milliard. D’après Greenpeace East Asia, les utilisateurs passent en moyenne 45,8 minutes par jour sur l’application. Ainsi, il est possible d’estimer l’empreinte carbone annuelle de TikTok, s’élevant à environ 90,67 millions de tCO2e.
Pour tenter de réduire son impact environnemental, ByteDance a ouvert un data center en Norvège, fonctionnant à 100% à l’énergie renouvelable. Cette installation devrait servir de modèle pour les futurs centres de données, en mettant l’accent sur une haute efficacité énergétique et le potentiel de réutilisation de la chaleur, réduisant ainsi la demande énergétique globale.
Malgré ces avancées, TikTok reste en retard par rapport à d’autres géants technologiques en termes de transparence sur ses objectifs climatiques, ce qui a suscité des critiques d’organisations comme Greenpeace East Asia. D’autant plus que l’entreprise doit relever des défis majeurs comme la réduction des émissions liées au streaming vidéo intensif et à l’engagement élevé des utilisateurs, qui passent en moyenne 45,8 minutes par jour sur l’application.
La réussite de TikTok dans la réduction de son empreinte carbone sera cruciale pour sa durabilité à long terme et sa contribution aux objectifs climatiques nationaux de la Chine qui prévoit une neutralité carbone d’ici à 2060.
● Snapchat, une stratégie climatique
Snap Inc., propriétaire de Snapchat, utilise 100% d’énergie renouvelable pour l’ensemble de ses bureaux. L’entreprise vise à réduire ses émissions de 25% pour les scopes 1 et 2, et de 35% pour le scope 3 d’ici 2025, par rapport à 2019.
Snapchat affiche un autre objectif plus ambitieux : être une entreprise aux émissions négatives nettes de carbone d’ici 2030. Pour ce faire, l’entreprise investit dans des projets de compensation carbone et s’engage à investir 10 millions de dollars dans des projets de capture de CO2 d’ici 2030. Elle soutient des initiatives à travers le monde entier comme des projets d’énergies renouvelables en Inde et en Turquie, des programmes de reforestation au Brésil et au Paraguay ou encore des projets à fort impact social avec l’installation de cuisinière propre au Ghana visant à réduire non seulement les émissions carbones mais aussi de limiter la déforestation tout en améliorant la qualité de l’air des populations locales.
Cependant, Snapchat fait face à des défis comme la gestion de la consommation énergétique croissante due à l’augmentation des utilisateurs et des fonctionnalités comme la réalité augmentée. L’entreprise effectue également des évaluations des risques climatiques selon le cadre TCFD pour améliorer sa résilience. Cette approche proactive vise non seulement à atteindre ses propres objectifs environnementaux, mais aussi à inspirer d’autres plateformes à suivre son exemple dans la lutte contre le changement climatique.
● Youtube, 14,3Mt CO2e, empreinte carbone et usage énergétique intelligent
YouTube, en tant que partie intégrante de Google, bénéficie des initiatives de durabilité de sa société mère tout en contribuant à la sensibilisation environnementale. En 2023, les émissions totales GES de Google étaient de 14,3Mt CO2e, soit une hausse de 13% par rapport à l’année précédente. La raison principale est l’expansion des data centers, même si ces derniers présentent une forte efficacité énergétique affichant un PUE de 1,10. Google vise 100% d’énergie décarbonée, 24h/24, 7j/7 d’ici 2030. Il est environ de 64% à ce jour, malgré la hausse de sa consommation énergétique. YouTube bénéficie d’innovations comme le "carbon-intelligent computing" qui optimise le traitement et le stockage des vidéos en les programmant aux moments où l’énergie renouvelable est la plus abondante, et des data centers intelligents grâce à l’IA, ajustant la consommation en temps réels et utilisant des méthodes de refroidissement économes en eau.
La plateforme joue également un rôle crucial dans l’éducation et la sensibilisation aux enjeux climatiques grâce à ses politiques strictes en interdisant la monétisation de contenus niant la science du climat, et ses partenariats. La plateforme propose des panneaux d’information contextuels sur les vidéos et recherches liées au changement climatique, fournissant aux utilisateurs des informations fiables provenant de sources autorisées comme les Nations Unies, afin de contrer la désinformation et d’offrir un accès à des données scientifiques crédibles sur les questions environnementales.
Le coût électrique des data centers, point faible des réseaux sociaux
L’impact environnemental des réseaux sociaux est considérable, principalement en raison de la consommation d’énergie associée à la transmission de données et aux opérations des serveurs. Alors que des plateformes comme TikTok, Facebook et YouTube continuent de gagner en popularité, elles contribuent à une empreinte carbone substantielle. Chaque interaction, qu’il s’agisse d’envoyer un message, de diffuser une vidéo ou de faire défiler des fils d’actualité, nécessite de l’énergie, dont une grande partie provient encore de sources fossiles.
Pour quantifier cet impact, les experts climat Greenly ont analysé la consommation d’énergie de diverses plateformes de médias sociaux, révélant que les services axés sur la vidéo comme TikTok consomment beaucoup plus d’énergie que les plateformes basées sur le texte. Par exemple, TikTok utilise environ 15,81 Milliampère-heure (mAh) par minute contre 10,28 mAh/minute pour Twitter. Tandis que des plateformes comme Instagram et Facebook se situent au milieu : la consommation d’Instagram est de 8,9 mAh/minute, encore relativement élevée en raison de son contenu visuel, notamment les photos et les stories.
L’étude a également pris en compte les habitudes d’utilisation spécifiques à chaque appareil. Les ordinateurs portables consomment généralement plus d’énergie que les smartphones. Ainsi, cela souligne l’importance du choix à la fois de la plateforme et du type d’appareil dans l’évaluation de l’impact environnemental. Les utilisateurs peuvent ainsi jouer un rôle dans la réduction de l’empreinte carbone de ses services, qui permettent de s’amuser et de rester en contact avec les autres à tout moment.
Responsabiliser les utilisateurs : réduire la consommation électrique à tous les niveaux
L’impact environnemental des médias sociaux va au-delà des émissions opérationnelles des entreprises et inclut le comportement des utilisateurs. L’empreinte carbone varie selon le type d’appareil utilisé et le mix énergétique du pays, avec des différences notables entre des pays comme les États-Unis où le réseau électrique dépend encore fortement des combustibles fossiles, génère plus d’émissions qu’un utilisateur en France, où l’énergie nucléaire prédomine.
En France, l’impact environnemental des médias sociaux est nettement inférieur à celui observé dans d’autres pays, principalement en raison de son mix énergétique. Facebook ne génère que 4,38Mkg CO2e/an contre 107,43 millions de kg aux États-Unis, tandis que TikTok produit 3,19Mkg CO2e/an (contre 64,26Mkg aux États-Unis et 12,32Mkg au Royaume-Uni). Ces chiffres illustrent comment la transition vers des sources d’énergie plus propres peut réduire l’empreinte carbone des activités numériques.
Émissions annuelles : France
Plateforme Nombre d’utilisateurs français (millions) Émissions quotidiennes (kg CO2e) Émissions hebdomadaires (kg CO2e) Émissions annuelles (kg CO2e)
Twitter/X 16.1 3,184 22,288 1,162,149
Instagram 29 3,788 26,513 1,382,442
Facebook 47 12,008 84,054 4,382,792
TikTok 25.4 8,759 61,310 3,196,860
SnapChat 27 4,390 30,730 1,602,330
YouTube 50.2 15,603 109,224 5,695,244
Threads 0.44 15 106 5,527
Si l’impact environnemental de l’utilisation des médias sociaux varie considérablement selon la plateforme, l’appareil utilisé et le mix énergétique du pays, Greenly fournit quelques recommandations pour contribuer à la rédaction des émissions carbone individuelles :
● Réduire le temps passé sur les plateformes vidéo (TikTok et Youtube) ;
● Privilégier le smartphone plutôt que l’ordinateur, en particulier pour les plateformes vidéos ;
● Choisir une plateforme texte/image plutôt que vidéo.
Pour Alexis Normand, CEO & cofondateur de Greenly : “Notre étude met en lumière l’impact insoupçonné de notre usage quotidien des réseaux sociaux. Nous voulons avant tout sensibiliser à cette pollution invisible. Les data centers, véritables poumons numériques de nos interactions en ligne, sont au cœur de cet enjeu. Leur consommation énergétique est considérable, mais c’est aussi là que réside un formidable potentiel d’amélioration. Nous observons déjà des efforts encourageants de la part des géants du numérique pour verdir leurs infrastructures. En tant qu’utilisateurs, nous avons aussi notre part de responsabilité. Nous pouvons agir et nous sommes convaincus qu’en conjuguant les efforts de chaque partie, décideurs politiques inclus, nous pouvons construire un écosystème numérique durable, où le progrès technologique rime avec respect de l’environnement."