Martin J. Kraemer, spécialiste de la sensibilisation à la cybersécurité chez KnowBe4 : Le défi Tik Tok face aux Gouvernements
octobre 2024 par Martin J. Kraemer, Spécialiste de la sensibilisation à la Cybersécurité chez KnowBe4
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui au cœur de nos vies, et TikTok,
l’une des plateformes les plus influentes du moment, fascine des
millions d’utilisateurs à travers le monde. Au-delà des vidéos
virales et du divertissement de surface, de nombreuses préoccupations
émergent concernant la protection des données personnelles, la
cybersécurité, et même les implications géopolitiques.
Ce réseau social se trouve à la croisée des chemins entre innovation
technologique et enjeux de sécurité, attirant ainsi une attention
internationale croissante.
Le « dilemme TikTok » repose principalement sur la difficile
conciliation entre le progrès technologique et la protection des
intérêts nationaux. Les gouvernements, face à l’ascension des
entreprises technologiques chinoises, se demandent dans quelle mesure
des acteurs étrangers peuvent jouer un rôle dans leur économie
numérique sans mettre en péril leur souveraineté. L’origine chinoise
de TikTok, via sa société mère ByteDance, suscite des inquiétudes
majeures sur ses pratiques de collecte de données, bien plus massives
qu’il ne le faudrait pour son simple fonctionnement. La crainte porte
sur un possible accès non sécurisé à ces données et un risque
d’exploitation par des intérêts externes.
Aux États-Unis, un éventuel bannissement de TikTok fait la une,
alimenté par des préoccupations autour de la protection des données
des enfants. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg. En Europe,
la France a récemment banni TikTok, parmi d’autres applications, des
appareils gouvernementaux, soulignant ainsi une inquiétude grandissante
concernant la gestion des données par ces plateformes. À la
différence des menaces informatiques classiques (comme les malwares ou
les attaques directes), les dangers posés par TikTok sont plus
insidieux. Son algorithme, capable d’anticiper nos goûts et envies,
pourrait être utilisé pour des campagnes de manipulation de masse ou
de désinformation.
Les accusations selon lesquelles des représentants du Parti communiste
chinois auraient pu accéder aux données des utilisateurs américains
dès 2018 ajoutent à l’inquiétude. En cybersécurité, les menaces
internes sont souvent les plus redoutables. L’idée que des acteurs
soutenus par un État puissent librement accéder aux informations de
millions de personnes est un cauchemar pour les experts de la
sécurité.
Avec une portée mondiale, TikTok pourrait également servir de vecteur
à des cyberattaques d’ampleur. Son influence grandissante sur les
élections et les débats publics, qu’elle soit volontaire ou non, met
en lumière le rôle que les réseaux sociaux peuvent jouer dans la
désinformation et l’ingénierie sociale.
L’Union européenne, elle, a opté pour une approche plus mesurée.
Plutôt que d’interdire la plateforme, elle oblige TikTok à se
conformer aux exigences du Règlement sur les services numériques
(Digital Services Act). Cette démarche démontre qu’il est possible
d’atténuer les risques sans en arriver à des mesures extrêmes comme
l’interdiction pure et simple.
Au fond, la controverse autour de TikTok dépasse le simple cadre
d’une entreprise ou d’une plateforme : elle pose des questions plus
vastes sur le contrôle des données, l’éthique numérique et le
rôle de la technologie dans nos sociétés. Les décideurs, les leaders
technologiques et les citoyens doivent entamer des discussions profondes
pour élaborer des cadres de protection à la fois respectueux de la vie
privée et garantissant la sécurité nationale, sans pour autant
freiner l’innovation.
La solution n’est sans doute pas dans un choix binaire entre
l’interdiction ou l’autorisation totale. Il s’agit plutôt de créer
des processus de régulation solides, capables de s’adapter aux
technologies qui évoluent à une vitesse fulgurante. Cela
nécessiterait une coopération internationale et une volonté de
repenser les normes actuelles en matière de propriété des données et
de gouvernance numérique.
En conclusion, le dilemme TikTok met en lumière l’urgence de repenser
notre approche de l’ère numérique. Il est crucial de trouver un
équilibre entre les avantages de la technologie connectée, la
protection des droits individuels et la préservation des intérêts
sécuritaires des nations. Les choix que nous faisons aujourd’hui
influenceront non seulement l’avenir de plateformes comme TikTok, mais
aussi celui de notre monde numérique.