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Affaire Telegram : des inquiétudes dans un contexte de guerre contre les messageries, les réseaux sociaux et le chiffrement

septembre 2024 par La Quadrature du Net

Le dirigeant de la plateforme Telegram, Pavel Durov, a été placé en garde à vue il y a une dizaine de jours puis mis en examen mercredi dernier. Le parquet de Paris, qui communique opportunément sur l’affaire depuis le début, met en avant l’absence de modération sur la plateforme pour justifier les poursuites. Au-delà de cette question de modération et sans tomber dans la défense d’un service en ligne peu recommandable, les quelques éléments qu’a bien voulu rendre public le parquet et sa manière de présenter l’affaire interrogent fortement, dans un contexte de mise sous pression de la France et de l’Union européenne des messageries interpersonnelles et des réseaux sociaux.

https://www.laquadrature.net/2024/09/03/affaire-telegram-des-inquietudes-dans-un-contexte-de-guerre-contre-les-messageries-les-reseaux-sociaux-et-le-chiffrement/
Telegram est à la fois une messagerie privée et, quand la fonctionnalité de canal public est utilisée, un réseau social. L’absence de modération sur les canaux publics pose problème, et il n’est pas anormal que la justice s’attaque à ce problème. Cependant, la communication du parquet sur ce point est étrange : il donne l’impression de reprocher également à Telegram de ne pas « modérer » des contenus privés. Nous sommes donc très attentif·ves car un tel reproche serait un précédent dangereux. L’affaire Telegram arrive dans un contexte d’attaques répétées contre les messageries et les réseaux sociaux : règlement CSAR/Chat Control, SkyECC, Encrochat, 8-Décembre, censure de TikTok, volonté du gouvernement de fermer les réseaux sociaux en cas de violences urbaines, ...

À côté du volet « modération », nous sommes particulièrement inquiet·es sur le fait d’engager des poursuites contre Telegram pour ne pas avoir divulgué des documents nécessaires à la mise en place d’interceptions judiciaires (comprendre : des écoutes). Même si le chiffrement dans Telegram est marginal, peu protecteur, le parquet est ici en train de reprocher à la plateforme de ne pas avoir compromis la sécurité de l’ensemble de son service. Or, pour écouter les communications entre un téléphone et les serveurs de Telegram, ce dernier serait obligé de divulguer les clés de chiffrement qui permettraient techniquement à la justice d’écouter les conversations de tous les utilisateur·rices.
Il s’agit ici clairement d’une guerre contre le chiffrement : le parquet nie la possibilité de chiffrer les communications. Une vieille marotte des politiques : lors des attentats d’Arras, Gérald Darmanin ressortait par exemple cette vieille idée d’avoir des portes dérobées. Également, le parquet ressort ici un vieux délit : le fait qu’il est obligatoire en France de déclarer la fourniture ou l’importation d’un outil « de cryptologie ». Une manière de réguler le chiffrement archaïque en 2024.

Beaucoup de questions restent donc encore sans réponse. En l’absence d’éléments précis sur l’affaire, on ne peut à ce stade faire que des hypothèses. Mais les quelques éléments distillés par le parquet, qui n’est pas neutre dans cette affaire puisqu’il conduit l’enquête, sont préoccupants. Telegram n’est pas une plateforme recommandable : non-sécurisée, centralisée, aux mains d’une entreprise opaque, elle est aux antipodes des valeurs que défend La Quadrature. Mais comme lorsque le réseau social toxique Tiktok a été bloqué en Nouvelle-Calédonie, il s’agit ici de s’opposer à un dévoiement des règles du droit pénal dont les prochaines victimes seront les personnes que nous défendons : les internautes soucieux·ses de protéger leur vie privée, les messageries réellement chiffrées, les réseaux sociaux décentralisés.


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