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Souveraineté numérique et libre arbitre : Le bilan français

janvier 2022 par Frans Imbert-Vier, CEO d’UBCOM

Ubcom poursuit son engagement dans la défense d’une souveraineté numérique européenne en réalisant un sondage en France portant sur la surveillance numérique, la protection des données, des individus et du libre arbitre. Cette étude intervient à la suite d’un précédent sondage réalisé en 2019 sur la protection des données personnelles qui révélait que 65% des Français n’avait aucune confiance en l’Europe pour garantir la sécurité de leurs données personnelles.

Ce document présente les résultats du sondage et permet de constater l’état de conscience des Français concernant leurs données personnelles et leur libre arbitre en temps de pandémie. L’ensemble de l’étude offre à la fois un bilan et une prospective de société numérique post-Covid.

Pandémie et obligation de confiance envers les organismes de santé
C’est aux organismes de santé que les Français font le plus confiance concernant le partage de leurs données personnelles (76%). Devant l’Etat, les organismes financiers et les entreprises privées, les organismes de santé sont ceux qui rassurent le plus la population française concernant le transfert de leurs données personnelles. Ce résultat témoigne d’une forte injonction à la protection des données de santé dans les hôpitaux, les laboratoires ou pharmacies. Cette « notoriété » s’inscrit dans un contexte de crise sanitaire, qui place les organismes de santé comme maitres de la donnée des individus, essence même du moteur des sociétés en pandémie.

Pour Frans Imbert-Vier, CEO d’UBCOM « Les réalités alternatives véhiculées par des figures de proues comme celles du scientifique Raoult, ou de groupes « anti-vaccin » selon lesquelles les institutions de santé seraient au service d’une dictature sanitaire ou d’un projet malveillant ne semblent pas avoir ébranlé l’intégrité de la figure médicale dans l’opinion publique ».

Plus qu’un gage de confiance de la part des français ce résultat est une injonction à préserver les données personnelles de ces derniers. En effet, si dans la forme la confiance est forte, il y a dans les faits un décalage entre d’une part l’image du milieu médical sécurisé, rassurant et rationnel, et d’autre part la réalité des systèmes de protection de ces institutions, à l’heure du tout numérique.

Le paradoxe se trouve dans la décision du Ministre de la Santé, M. Olivier Véran qui a choisi de porter le système Health Data Hub créé en 2019 sur l’américain Microsoft où toutes les informations sont hébergées, centralisés et stockées dans un cadre qui échappe au RGPD. C’est une double peine, car Microsoft est connu pour être particulièrement datavores au travers de la Fondation Bill Gates, ce qui compromet par essence toute souveraineté au système.

Les organismes financiers : un colosse au pied d’argile
47% des Français considèrent que le secteur bancaire n’est pas capable de protéger leurs données. Préférant faire confiance aux organismes de santé, à l’État et aux organismes privés. Ces chiffres sont le résultat du déclin d’un système financier dont l’existence même dépend d’un pacte de confiance mutuelle entre les organismes financiers et la population française.

L’enjeu de la donnée personnelle popularisée par le RGPD a fragilisé d’autant plus cette confiance déjà tangente envers les organismes financiers, et ce, depuis la crise de 2008 et plus récemment avec les affaires de corruption et d’évasion financière telles que les panama papers, les pandoras papers, etc… La donnée bancaire est d’autant plus stratégique dans une économie de plus en plus dérégulée, qu’elle permet d’estimer la valeur d’un individu selon la taille de son capital.

Ainsi le business d’entreprises datavores, dont l’activité est de revendre de la donnée analysée à des sociétés afin de cibler des acheteurs, devient de plus en plus fréquent et lucratif. La médiatisation de ces pratiques notamment dans le secteur bancaire aura sans doute contribué à fragiliser l’image institutionnelle du secteur financier. Ce constat s’aggrave avec la décision d’ING Direct qui ferme 300 000 comptes particuliers en France et l’apparition des néo-banques, acteurs prépondérants de la digitalisation financière à outrance.

Les Français pas si sceptiques de leurs institutions étatiques

L’État français se trouve en seconde position du classement de confiance du partage des données personnelles, avec 63% des sondés qui lui accordent une confiance devant les organismes privés, les organismes financiers et les GAFAM. 
Ainsi plus d’1 Français sur 2, fait confiance à l’État pour partager ses données personnelles malgré une opinion publique ayant montré une forte résistance à l’application Stop anti-Covid ou encore au pass sanitaire. Si ce scepticisme largement médiatisé avait laissé croire à un sursaut d’intérêt des Français concernant la protection de leurs données personnelles, les résultats du sondage prouvent une confiance encore solide envers les institutions étatiques.

Pour Frans Imbert-Vier « La confiance du citoyen envers l’État est une bonne nouvelle pour l’administration publique et reste alignée avec la transition des services de l’État vers le tout numérique. Néanmoins ce dernier doit veiller, en bon père de famille, à préserver ces données sur des systèmes souverains, ce qui pour le moment n’est pas le cas ».

GAFAM, la fin du consentement ?

Dans le sondage conduit par UBCOM en 2019, presque 1 Français sur 2 (46 ?% des sondés) estimaient qu’ils pouvaient échanger des informations relatives à l’identité, aux comportements ou au contact, « sans risque », sur les réseaux sociaux.

En 2021, il semble que cette même population n’accorde plus du tout la même confiance aux GAFAM qui concentrent la majeure partie des réseaux sociaux. En effet, seulement 21% des Français ont confiance en partageant leurs données personnelles avec ces derniers. Certains éléments concrets comme la sur-connectivité en temps de pandémie, les pannes de plusieurs heures des réseaux méta (Facebook, Whatsapp, Instagram) ou encore les modifications des politiques de confidentialité des réseaux sociaux, ont permis de faire naitre un certain scepticisme vis-à-vis de ces derniers. Dans la pratique, une écrasante partie de la population notamment les 18-24 ans continue de consommer ces plateformes monopolistiques, acceptant de facto de perdre une partie de leur libre arbitre.

Manipulation des données personnelles

Les Français estiment à 63% que leurs coordonnées (noms, prénoms, adresses email…) sont aussi sensibles que leurs communications privées (mails, conversations personnelles et professionnelles), et ce, devant les données de santé (60%). Si la donnée de santé est définie à l’article 9 du RGPD comme une donnée sensible, les coordonnées ne sont pas inscrites comme tel dans le règlement.

En 2021, tout type d’activité numérique (téléchargement d’applications, achat de billets de transports, paiement en ligne etc.) sollicite quasi systématiquement l’enregistrement répété des coordonnées. Une pratique instinctive tant elle s’est rationalisée au fil du temps. Cependant, les effets de bords de ce partage de données sont eux, directement visibles puisqu’ils se matérialisent par des appels télémarketing, des spams, ou des pop-ups de plus en plus ciblés, et sans lien direct entre le vendeur et la cible. La vente de la donnée s’appréhende alors plus rapidement dans la mesure où chaque individu sait à peu près à quels organismes il a autorisé l’envoi de « notifications », et ceux auquel il n’a jamais délivré directement ses coordonnées.

Ces résultats témoignent donc d’une nouvelle clairvoyance des Français liée à une saturation des sollicitations commerciales non consenties, via des canaux personnels. Cela sous-entend un besoin de revoir la stratégie marketing digital des grands acteurs (Google, Media Math, Criteo, etc.) pour ne pas saturer l’audience, voire la faire décrocher.

Protection de l’État face au cyber-harcèlement

67 ?% des Français considèrent que l’État néglige la prévention du danger contre le cyber-harcèlement.

 Le cyber-harcèlement, c’est la désactivation d’un réseau social d’une personnalité parce que cette dernière est menacée de mort à répétition par des « trolls » (individu visant à générer une polémique, souvent haineuse).

 Le cyber-harcèlement c’est aussi la pratique du « doxing », aujourd’hui reconnu comme un délit de « mise en danger d’autrui, par la publication des données personnelles sur les réseaux ». Du « doxing », découle l’incitation à la haine, le martelage de tweets et d’appels à la violence, la diffusion de fake news, le harcèlement en masse ou la planification d’agressions. Le tout, rendu possible grâce à la diffusion de données personnelles. Cette pratique est celle qui a conduit le 16 octobre 2020 à la décapitation du professeur Samuel Paty. En effet, malgré l’adoption de la Loi Avia en mai 2020, sa censure par le Conseil constitutionnel, n’a pas encore permis d’atteindre un juste équilibre entre liberté d’expression et protection des utilisateurs du numérique.

 Le cyber-harcèlement, c’est aussi la possibilité de voir des individus cibler une population ou une communauté pour la discréditer, la stigmatiser ou l’intimider. En 2019, le scandale de la Ligue du LoL révèle l’existence d’un compte Facebook dirigé par plusieurs blogueurs, journalistes, communicant ou publicitaires, destiné à la moquerie en groupe et au cyber-harcèlement à l’encontre le plus souvent de femmes.

 Le cyber-harcèlement, c’est également la possibilité de commander en ligne, le viol d’un enfant, sur des plateformes non référencées de commerce de pédo-criminalité. En 2019, l’association Point de contact en charge de signaler les contenus illicites sur le web déclarait que la France était le 3ème pays hébergeur de contenu à caractère pédopornographique dans le monde.

67% des Français considère que l’État néglige un aspect de leur sécurité.

Frans Imbert-Vier commente : « Si les politiques publiques ont cherché à sécuriser la rue pour les jeunes auparavant, il y a désormais un nouvel espace, numérique cette fois-ci, où les plus jeunes et adolescents doivent être surveillés et protéger, au même titre que dans l’espace publique. Enfin, l’absence de politique éducative inscrite au programme des collèges et classes préparatoires distingue le retard de la France des autres pays européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, le Danemark qui ont inscrit au programme la sensibilisation des plus jeunes à l’usage des réseaux sociaux. Ce retard est aligné avec les nouvelles politiques de luttes contre le cyber harcèlement ou la lutte contre les violences faites aux femmes et dénote une administration encore trop timide sur son engagement ».

Souriez, vous êtes surveillés !

82% des Français se savent observés à travers leurs pratiques numériques, à des fins de renseignements ou de publicité. Soit 4 Français sur 5, considèrent qu’il existe un espionnage numérique des individus. Un score élevé grâce au travail des lanceurs d’alerte. Des affaires très médiatisées comme celles d’Edward Snowden en 2013 (révélations d’un programme secret de la NSA de cyber surveillance touchant une majeure partie du monde) ainsi que l’affaire Cambridge Analytica en 2014 (découverte du vol de données par la société britannique de profilage du même nom) ont largement participé à la prise de conscience collective.

La question reste : Pourquoi un tel sentiment de dépossession et de consentement plane-t-il alors sur les pratiques numériques françaises malgré une population de plus en plus avertie des systèmes de renseignements de masse ? Les chiffres suivants permettent d’aller plus loin.

Mes données personnelles pour l’économie, je dis oui !

Il faut noter que plus de 4 français sur 5 pensent que leurs données sont majoritairement collectées à des fins commerciales (82%), plutôt qu’à des fins malveillantes (30%) ou encore des fins politiques (29%).

Plusieurs éléments permettent de comprendre le décalage entre un taux élevé de conscience et une faible réaction des populations françaises :

  Un déni proche de la résignation :
Ce ne sont pas les révélations des techniques de traitement de la donnée par l’espionnage qui ont rendu réel la surveillance de masse, mais bien l’expérience sensible des individus confrontés à des publicités ciblées et à des annonces récurrentes en corrélation parfaite avec leurs conversations, leurs habitudes et parfois leur état psychologique. La publicité a toujours fait l’objet de vives critiques, qu’elle soit intrusive, ciblée, omniprésente voire épileptique. L’individu s’y est habitué et en a fait un élément de décor inamovible de la vie publique, voire une condition sine qua none à la croissance. De la même manière qu’un individu s’habitue à des images de guerres et finit par ne plus y éprouver la même indignation, la publicité, comme une goutte de poison versée chaque jour dans un verre, devient comestible, voire invisible, tout en perpétuant un effet pernicieux.

 Un déni lié à la dépendance :
Les 18-24 ans se sentent moins observés (64%) en comparaison avec la moyenne nationale (82%) qui comprend une partie des habitants de zones rurales, qui ont des scores supérieurs à la moyenne nationale. Ces résultats peuvent être la conséquence d’une utilisation accrue des réseaux par les centres urbains ainsi que les jeunes populations signifiant la peur de devoir reconnaitre la réalité. La culture de la surveillance de masse marque un clivage selon les tranches d’âge, car les populations ayant héritées de la guerre froide ont grandi avec les totalitarismes à leurs frontières et l’idée de surveillance de masse. Tandis que les « digital native » ont quant à eux grandi avec le partage de leurs données sur les réseaux.

L’idée d’espionnage numérique divise selon que l’on soit d’une génération héritière des sociétés de surveillance de la guerre froide ou que l’on soit un(e) digital native, né(e) dans le partage des données.

Selon Frans Imbert-Vier : “Deux choses importantes sont à retenir de ce résultat. Les Digital Natives n’ont pas bénéficié du devoir de mémoire et acceptent l’idée que leur liberté puisse être entravée, comme un sentiment de vie au jour le jour. Et pourtant, cette génération porte l’innovation de demain et ne réalise pas encore que ses bonnes idées soient largement aspirées par l’espionnage économique au détriment de la croissance et d’une stabilité politique qui s’effrite au profit des courants extrêmes. C’est pernicieux et inquiétant. En second point, on constate quand même que prêt d’un tiers des français se considère surveillé à des fins politique. C’est un taux que l’on peut expliquer via l’affaire Cambride Analityca Julian Assange et Snowden, mais d’autres éléments doivent alimenter ce ressenti“.

Manipulation numérique à des fins politiques : un nouveau pacte social ?
70% des Français reconnaissent que l’élection présidentielle est susceptible d’être orientée par les réseaux sociaux. Les ¾ de la population admettent donc l’obsolescence du processus démocratique face à la manipulation numérique. En somme, 17 ?% des Français considèrent que les élections présidentielles sont des élections libres, ce qui coïncide avec un niveau d’abstention très dense aux dernières élections présidentielles de 2017 (de 25 ?% au second tour).

L’infobésité, la collecte de données personnelles, les ingérences successives des gouvernements étrangers ont participé à l’établissement de deux phénomènes :

 La dépolitisation des citoyens due à leur épuisement face à l’offre politique peu ou pas rénové.
 Le consentement impuissant des Français à une démocratie nouée à la volonté du plus fort numériquement, marquant le renoncement à la démocratie fondé sur le libre arbitre citoyen.

« Ce résultat laisse entrevoir un nouveau pacte social se dessiner, fondé sur l’autocratie numérique, régi par la loi du plus fort. Celui qui possède le pouvoir numérique possède le libre arbitre des individus » précise Clémentine Balayer, analyste en intelligence économique chez UBCOM. 

Cette étude met en lumière une meilleure compréhension des processus d’observation et de manipulation digitale à l’encontre des citoyens à des fins commerciales et politiques. Cependant, elle signe de façon dramatique un consentement immobile, assujetti à la dépendance des géants du numérique, monopolisateurs des moyens de communications et de consommations. Le score produit un constat de régression et non de progression du sentiment démocratique.

Pour Frans Imbert-Vier, « le plus inquiétant dans cette analyse est l’inertie de l’État qui reconnait désormais son retard mais n’offre pour le moment aucune autre alternative à la situation actuelle. Il reste à chercher auprès des candidats à l’élection présidentielle, celui qui prévoit un programme sérieux sur ce sujet comme l’instauration d’un Ministère régalien du Numérique par exemple ? »


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