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Prise de position sur la circulation des données et le traçage numérique de l’Académie des technologies

avril 2020 par l’Académie des technologies

Rappelons avec Platon qu’une société existe par les échanges entre ses membres. Les échanges d’idées, de services et de moyens impliquent un principe de réciprocité et font que toutes les parties prenantes y trouvent leur intérêt pour satisfaire leur propre besoin. Les données numériques, qui aujourd’hui sont au cœur de l’activité de nos sociétés, deviennent un élément clef de l’échange. Force est malheureusement de constater qu’elles sont depuis quelques décennies capitalisées et thésaurisées, engendrant de fait une défiance des citoyens - et des entreprises voire des autorités - vis-à-vis de leur circulation, alors même, et la crise que nous traversons le révèle bien, que ceux-ci ont à gagner à un partage.

L’Académie des technologies considère que la circulation des données numériques constitue un élément indispensable au développement de la société française et européenne. L’amplification de cette circulation peut assurer une résilience accrue de notre société en renforçant son indépendance et sa souveraineté, tout en respectant ses valeurs fondamentales et ses lois

La crise du coronavirus a notamment suscité un recours accéléré aux technologies numériques pour pallier les contraintes de mobilité, préserver le lien social, et s’agissant de la pandémie en estimer globalement la propagation, mieux suivre un patient voire prédire l’évolution de sa maladie. Dans ce contexte se pose la question du partage par chacun de nous de données susceptibles de favoriser la lutte contre cette pandémie. Ces données agrégées peuvent contribuer de manière déterminante à la capitalisation de la connaissance sur la maladie, permettre d’élaborer des solutions préventives en support à des politiques publiques ou encore aider à définir des protocoles de soins adaptés à la situation de chacun, pour le bénéfice de chaque individu.

On a là les éléments de définition de ce qui pourrait s’appeler une circulation vertueuse des données c’est-à-dire une circulation qui profite à toutes les parties prenantes d’un échange, que ces parties soient des individus, des entreprises, des collectivités ou les trois.
La circulation vertueuse des données numériques, qui dépasse le seul sujet des données de santé, ne doit obérer ni la protection de la vie privée, ni le respect des libertés individuelles, ni les droits de propriété. Plus généralement cette circulation peut et doit être guidée par l’intérêt général et ne pas remettre en cause les valeurs fondamentales de notre société.

Des solutions de nature technologique et réglementaire existent pour garantir cette continuité des valeurs sociétales. L’Europe dispose déjà d’un règlement sur la protection des données individuelles (RGPD) en avance dans le monde pour protéger la circulation des données personnelles. Sur le plan technologique les outils existent. Les techniques actuelles de chiffrement et d’anonymisation autorisent déjà de nombreuses solutions comme celles qui permettent notamment des opérations de « traçage » envisagées afin de limiter les rencontres pouvant donner lieu à la transmission du virus. Au-delà de celles-ci, des techniques prometteuses dites de chiffrement homomorphe vont permettre de confier à des tiers des opérations spécifiques sur les données sans que ces derniers aient à décrypter ces données. Des équipes françaises tant industrielles qu’universitaires maîtrisent tout à fait ces techniques Des solutions logicielles existantes, développées en France et en Allemagne, permettent d’authentifier de manière tout à fait fiable l’identité des parties prenantes d’un échange.

Au demeurant, cette circulation vertueuse des données concerne la plupart des secteurs d’activité, et les données individuelles tout autant que les données professionnelles. Malgré des réticences fréquentes, l’expérience de nombreux secteurs industriels montre que le partage de données entre les acteurs recèle des gains importants de compétitivité : ainsi l’opérateur d’un bâtiment urbain moderne pourra optimiser au profit de ses usagers le fonctionnement courant d’un immeuble en croisant des données de l’architecte et du constructeur immobilier avec celles du fournisseur d’énergie, celles du fournisseur d’eau et l’observation des habitudes des habitants s’ils le désirent. Un fabricant de moteurs sera d’autant plus compétitif qu’il croise ses propres données avec celles des systémiers qui embarquent ce moteur dans leurs produits (aviation, automobile, par exemple). Des solutions comme celle proposée par l’association International Data Space, née en Allemagne, permettent de mettre en œuvre des infrastructures informatiques qui facilitent les échanges de données entre industriels tout en permettant à chacun d’en conserver la maîtrise et d’en contrôler les usages.

L’Académie des technologies recommande de favoriser la circulation des données par la mise en place au niveau européen d’une labellisation des solutions de circulation qui garantisse leur caractère vertueux et sécurisé.

Jusqu’à présent la circulation des données numériques est vue par le plus grand nombre comme un risque insurmontable à ne pas prendre dans de nombreux cas. Pour certains encore, et ils sont tout aussi nombreux, les données sont constitutives d’un patrimoine qu’il convient de garder pour soi en prenant le risque de ne pas enrichir ce patrimoine par d’autres données externes.

Pourtant cette circulation existe sous des formes variées et largement sous-contrôlées, et ces données sont thésaurisées le plus souvent dans les entrepôts numériques de quelques grands groupes mondiaux. Rappelons aussi que le « Cloud Act » permet au gouvernement américain d’avoir accès à toutes les données numériques situées sur son sol.

La labellisation des solutions de circulation des données en Europe par des standards européens permettra de démultiplier la quantité d’acteurs européens capables de les élaborer et les opérer : il est temps de s’assurer de l’existence et de la pérennité de tels acteurs.

Alors que la crise actuelle révèle et accélère le recours au numérique, l’Académie des technologies alerte sur le risque que soit de fait confié implicitement à quelques grandes plates formes numériques mondiales le soin d’organiser les échanges constitutifs de notre société et souligne l’importance du développement de solutions de fédération de clouds européens.

La capacité pour chacun, individu ou entreprise, de transmettre des données dont il est propriétaire sans risque au profit d’un intérêt collectif partagé devient une réalité. Sachons nous en saisir sans renoncer à nos valeurs fondamentales.

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