Le Conseil national du numérique interpelle la Commission sur la libre circulation des données en Europe
avril 2017 par Conseil national du numérique
La Commission européenne avait annoncé en janvier 2017 vouloir lancer plusieurs initiatives “pour créer une économie européenne fondée sur les données” dans le cadre de sa stratégie pour le marché unique du numérique. Si le Conseil souscrit au lancement d’une initiative européenne pour favoriser la circulation des données en Europe, il considère que les barrières à la circulation des données se situent m oins au niveau des frontières nationales qu’au niveau des stratégies de lock-in et de rétention de données entre acteurs économiques et que l’action de la Commission européenne devra poursuivre en priorité l’objectif de faire émerger un environnement de la donnée ouvert, favorable à la concurrence et à la diffusion des capacités d’innovation.
Dans le cadre de la consultation lancée par la Commission européenne sur l’économie de la donnée, les membres du Conseil national du numérique se sont prononcés sur l es premières propositions établies par la Commission sur la circulation des données pour le développement d’un marché unique du numérique. Le Conseil a tout d’abord souhaité rappeler les incertitudes liées à l’introduction d’un principe général de libre ci rculation des données , compte-tenu des réalités extrêmement diverses recouvertes par le terme de donnée et de la multitude d’usages et de marchés que les données pourraient encore faire émerger.
Si les données à caractère personnel sont exclues des réflexi ons de la Commission, les limites des techniques d’anonymisation et de pseudonymisation pointent néanmoins les risques d’une telle distinction. Enfin, le Conseil indique dans son avis que la reconnaissance d’un principe de circulation des données au niveau européen pourrait constituer un argument pour le consacrer dans les accords de libre-échange à venir. Cela conduirait à faciliter le transfert de donnée sans contrôle hors de l’Union européenne et cette perspective soulève des enjeux majeurs en termes de compétitivité, de protection des consommateurs et de respect des droits fondamentaux. Pour Guy Mamou-Mani, vice-président du Conseil, “La consécration d’un principe de libre circulation des données en Europe, mais surtout au niveau international, soulève d es enjeux majeurs en matière de souveraineté numérique. Si l’harmonisation des règles au niveau européen est essentielle, la question de la localisation des serveurs devra être soumise à une analyse extrêmement détaillée et à un dialogue entre les États.”
Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au C omité économique et social européen et au Comité des régions « Créer une économie européenne fondée sur les données ». COM/2017/09 final : http://eur-lex.europa.eu/legal-cont...
Le Conseil s’oppose également au renversement du paradigme traditionnel de la protection juridique sur les données par l’introduction d’un droit de propriété , qui pourrait considérablement accroître l’insécurité juridique autour du partage de données entr e entreprises, organismes publics ou chercheurs. La protection juridique actuelle accordée aux producteurs de bases de données se limite en effet à l’investissement substantiel du producteur de la base de données pour la constitution de celle-ci, sans couvrir les données elles-mêmes, qui doivent rester de libre parcours. Pour Célia Zolynski, membre du CNNum, “Il y a un véritable risque de multiplication des contentieux avec l’introduction d’un droit de propriété. Dans de nombreuses situations, il semble en effet extrêmement difficile voire impossible de définir le détenteur légitime d’une donnée. L’objectif initialement poursuivi de clarification du cadre légal pour le partage de donnée pourrait alors être largement manqué.”
Aux yeux des membres du Conseil,
il est prioritaire de s’interroger avant tout
sur les incitations au partage de données entre acteurs
, alors même que la
création de valeur réside dans le croisement de données pour en tirer de nouvelles
informations et développer de nouveaux services. Po
ur Daniel Kaplan, membre du
Conseil national du numérique, “Dans un très grand nombre de cas, les données
sont produites de manière ancillaire, pour servir un processus industriel : elles sont
un moyen plutôt qu’une fin. Il s’agit donc moins de développer
de nouvelles
incitations à la constitution de bases de données que d’encourager le croisement de
ces bases avec d’autres sources de données.”
Le Conseil propose ainsi à la Commission d’orienter ses réflexions sur les
modalités d’accès aux données, avec la
création d’un droit à la portabilité pour les
utilisateurs d’un service, mais aussi par la consécration de certaines exceptions à la
directive sur les bases de données, afin de permettre la fouille de textes et de
données dans le cadre d’une activité de r
echerche par exemple. Pour Sophie Pène,
vice
présidente du CNNum, “Plutôt que de créer des formes de propriété nouvelles
qui pourraient venir enclore une ressource pourtant non
rivale et facilement
reproductible, il s’agit bien de penser des modes de gesti
on et d’accès nouveaux,
qui permettraient de démultiplier les bénéfices espérés de l’analyse des
mégadonnées. Un tel accès devient un enjeu capital, car il doit permettre d’opérer
des fouilles automatisées dans l’immensité des documents scientifiques
dispo
nibles, notamment dans le cadre de recherches interdisciplinaires qui
nécessitent de croiser des bases de
données de nature différente.”
Le Conseil appelle également la Commission à réaliser des études sectorielles pour
identifier les situations dans les
quelles la donnée peut être considérée comme une
infrastructure, lorsque le développement de produits et de modèles économiques est
conditionné à l’accès à ces données et qu’il n’est pas possible de les reproduire par
des moyens raisonnables. Dans ce cadre
, l’introduction d’une obligation de licence
non
discriminatoire devrait être envisagée. Le document du CNNum conclut enfin
sur la définition de mécanismes d’incitation au partage de données entre acteurs,
autour de grands projets industriels européens, de
programme de recherche ou
encore d’un objectif de politique publique.
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