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La copie fiable va-t-elle changer notre façon d’archiver ?

juin 2017 par Vincent Jamin, Directeur Division Dématérialisation Services de Confiance, DOCAPOST, et Eric Caprioli, Avocat à la Cour et Docteur en Droit, Fondateur CAPRIOLI

La publication de la norme NF Z42-026
complète le référentiel de numérisation
et d’archivage à vocation probatoire
sur lequel s’appuie l’article 1379
du Code civil, pour déterminer le caractère
présumé fiable d’une copie numérique.
Cette évolution du Code civil constitue
un véritable bond en avant pour la transition
numérique des entreprises.

Avec la publication de la norme Afnor NF Z42-026
fixant les conditions de numérisation
à vocation probatoire, tous les éléments
sont désormais réunis pour concrétiser l’objectif
d’une gestion zéro papier, y compris
pour les situations susceptibles de générer
des litiges. En reprenant à son compte
le volet numérisation de la norme Z42-013,
la nouvelle norme décrit le processus
de reproduction numérique fidèle et fiable
des originaux au format papier. Elle s’adresse
aussi bien aux entreprises qu’aux opérateurs
de numérisation. Pour résumer, la norme Z42-013
insistait sur la notion de modification irréversible
du support de la copie. La norme Z42-026
s’intéresse quant à elle à l’intégrité
de la reproduction, mais aussi à sa qualité,
à sa conservation et à sa sécurisation. En matière
d’intégrité par exemple,une copie fiable devra être
garantie contre toute modification ultérieure
par l’horodatage et par une signature électronique
qualifiée au sens du règlement européen eIDAS
du 23 juillet 2014. Cependant, la norme
exige aussi de s’assurer de la parfaite lisibilité
du document reproduit.

UNE CHAÎNE DE CONFIANCE UNIQUE

Ensemble, les deux référentiels forment
une chaîne de confiance unique qui intègre
toutes les activités de conservation numérique
des documents, depuis leur dématérialisation,
s’il s’agit d’originaux papier,
jusqu’à leur archivage électronique.
Et c’est précisément sur cette chaîne
de confiance que s’appuie une évolution majeure
de la législation, qui a fait entrer,
par un décret publié le 5 décembre dernier,
le principe de la copie numérique fiable
dans le Code civil (art. 1379).
En vertu de ce principe, et sous réserve
de satisfaire aux bonnes pratiques
des normes NF Z42-026 et NF Z42-013,
une copie numérique peut se voir attribuer
la même force probante que l’original papier,
ou digital, dont elle est la reproduction
strictement fidèle et incorruptible.

ACCÉLÉRER LA TRANSFORMATION DIGITALE

Ce nouvel article du Code civil remplace
un article 1348, élaboré dans les années 80,
et qui définissait les conditions d’une copie
numérique fidèle et durable, mais sans accorder
à celle-ci une opposabilité équivalente à l’original
papier. En instituant le principe de la copie
numérique fiable, la rédaction de l’article 1379
ne se borne pas à conférer
au numérique la même valeur légale que le papier.
Elle donne aussi aux entreprises la possibilité
de se libérer de l’obligation de conservation
des originaux. Ces derniers peuvent désormais
être détruits, au terme ou avant
leur délai de conservation légal, sans impact
juridique pour l’entreprise.
De ce point de vue, le texte confirme une
jurisprudence déjà établie.
Plusieurs décisions de Cours d’appel, notamment
de Lyon (3 septembre 2015) et de Paris
(11 février 2016) ont considéré une copie
numérique réalisée conformément à la norme
Z42-013 comme fiable, notamment lorsque
l’entreprise se trouvait dans l’incapacité
de produire le contrat original.

Cette avancée majeure du Code civil met un terme
à un entre-deux particulièrement inconfortable
pour les entreprises, dont la transformation
digitale restait freinée par les obligations légales.
Dans la pratique, les entreprises devaient
maintenir un double système d’archivage :
numérique pour les besoins opérationnels ;
physique pour la conformité réglementaire.
Cette situation pesait également très lourd
sur le coût d’archivage en vue d’éventuels litiges
ou contrôles. La difficulté n’étant
pas tant de conserver les documents,
mais d’être en capacité de retrouver
un document en particulier parmi des millions
d’autres pour le présenter au juge
dans les délais impartis.

UNIFIER LES PROCESSUS DE REPRODUCTION
ET DE CONSERVATION À VOCATION PROBATOIRE

L’article 1379 du Code civil offre en définitive
aux entreprises un cadre réglementaire unique
pour unifier les processus de conservation
documentaires, quels que soient la source
et le niveau de risque associé. En retenant les
critères techniques de numérisation fiable tels que
définis dans les normes NF Z42-026
et NF Z42-013, le texte fournit ainsi un cadre
commun aux juges et aux entreprises
pour conférer une vocation probatoire aux copies
numériques. Combinées, ces normes définissent
une chaîne complète de confiance numérique
reposant sur un ensemble de bonnes pratiques
de journalisation. Document par document,
chaque étape du processus doit faire l’objet
d’un rapport d’exécution exhaustif.
Celui-ci concerne non seulement la numérisation,
l’indexation et l’archivage, mais aussi, dans le cas
d’un original papier, la phase de préparation
des documents en amont et son éventuelle
destruction en aval. La copie numérique fiable
traitée par cette chaîne de confiance
peut ensuite être archivée électroniquement
en même temps qu’une attestation de fiabilité
numérique consolidant l’ensemble des rapports
de traitement. Sous réserve d’avoir strictement
respecté toutes ces étapes, le Code civil accorde
à la copie fiable le statut de présomption légale
simple. Cette disposition du Code civil permet
de conférer une valeur de preuve
à un fait non établi, mais vraisemblable
sur la foi d’un ensemble de faits dûment établis.
Sans rien imposer aux entreprises,
le Code civil indique donc clairement la voie
à suivre. Les entreprises qui se conformeront
aux prescriptions des normes NF Z42-026
et NF Z42-013 pour la numérisation et l’archivage
à vocation probatoire respecteront
ainsi les exigences du décret d’application
de l’article 1379. Elles pourront donc bénéficier
de la présomption légale simple, c’est-à-dire
qu’elles seront dispensées d’apporter la preuve
par l’original de la fiabilité de la copie
qu’elles présentent. En cas de contestation,
c’est à la partie adverse qu’il appartiendra
de démontrer le contraire, c’est-à-dire
de présenter des éléments tendant à détruire
la présomption de fiabilité.

GARANTIR LE BÉNÉFICE
DE LA PRÉSOMPTION LÉGALE SIMPLE

Dans une perspective de réduction du risque
juridique, ou de celui associé à l’image
de l’entreprise, l’article 1379 du Code civil
confère ainsi au respect des normes NF Z42-026
et NF Z42-013 un caractère bien plus critique
qu’auparavant. Car la référence au régime
de la présomption légale simple implique aussi
son contraire. Selon le principe que la fiabilité
d’un ensemble n’est pas supérieure à celle
de la moins fiable de ses parties, le doute
sur le respect d’une seule étape de la chaîne
de confiance peut théoriquement induire
la remise en cause de toute la chaîne.
Dans ce cas, l’entreprise se trouve soit
dans l’obligation de produire l’original papier
si elle en dispose encore, soit exposée au risque
de voir la copie présentée rétrogradée au rang
de simple commencement de preuve. Le respect
des normes de numérisation et d’archivage
à vocation probatoire permet d’écarter toute
approximation dans la mise en oeuvre
des exigences du décret d’application,
et ce quel que soit l’importance ou la criticité
juridique du document traité. L’invalidation
du caractère fiable d’une copie en particulier
peut non seulement avoir des conséquences
immédiates sur le litige correspondant.
Elle constitue aussi le début d’un faisceau
de preuves contraires, pouvant conduire
à la remise en cause de l’ensemble du dispositif
de copie fiable mis en oeuvre par l’entreprise.
Et théoriquement à la contestation systématique
de l’opposabilité des documents dans tous litiges
à venir ou en cours.

UN ENJEU DE CERTIFICATION ET DE FORMATION

Les entreprises qui ont mis en oeuvre la norme
NF Z42-013 sans son volet « numérisation »
sont paradoxalement les plus exposées à ce risque
de remise en cause car faute d’en avoir l’utilité sur
le plan juridique, ces entreprises
n’ont pas nécessairement intégré le respect
des procédures manuelles de préparation
au traitement, ainsi que les obligations associées
de journalisation. Or ces étapes sont aujourd’hui
incontournables pour bénéficier de la présomption
légale simple. Leur parfaite exécution compte
autant dans le faisceau d’indices attestant
de la copie fiable que le dispositif d’horodatage
ou de cachet électronique. Pour les entreprises,
et notamment pour celles qui disposent
à la fois d’un réseau d’agences susceptibles
de numériser des documents au fil de l’eau,
et d’un centre de numérisation (externalisé
ou non), la mise en oeuvre de cette chaîne
de confiance représente un double défi.
Dans les centres de numérisation, les entreprises
concernées ont tout intérêt à se conformer
aux exigences de la norme NF Z42-026.
En amont, et cela est également vrai pour les
activités de numérisation décentralisées,
le bénéfice de ces nouvelles dispositions du Code
civil nécessitera aussi de former les utilisateurs,
afin d’assurer le respect à toutes les étapes
de la chaîne de confiance.

Depuis 2012, la conformité à la norme NF Z42-013
peut être attestée par la certification
NF 461 – systèmes d’archivage électroniques,
qui couvre les activités des systèmes d’archivage
électronique (SAE) internalisés ou opérés
par un prestataire externe. Optionnellement,
cette certification couvre également l’intégralité
du processus de numérisation en plus
de l’archivage à vocation probatoire.
Il est donc important de vérifier le périmètre
couvert par un opérateur certifié NF 461
afin de s’assurer de la garantie de conformité
de l’ensemble de la chaîne de confiance de la
copie numérique fiable.


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