Infralliance : La souveraineté numérique passe aussi par l’infrastructure télécoms !
juin 2023 par Marc Jacob
A l’occasion de son lancement Infralliance, un Think & Do Thank créé par France IX, Telehouse et Terralpha a organisé une conférence autour de la souveraineté numérique en mettant l’accent sur l’infrastructure.
Sami Slim, Telehouse, Gabriel Chenevoy, Terralpha et Franck Simon, France IX Services
Infralliance est née de la réflexion que souvent l’infrastructure télécoms reste le parent pauvre lorsque l’on parle de souveraineté numérique. Pourtant, elle joue un rôle primordial puisque c’est l’infrastructure qui véhicule les données et est le support du Cloud. Ainsi, France IX, Telehouse et Terralpha ont décidé de créer Infralliance un Think & Do Thank dont les objectifs sont multiples. Tout d’abord il s’agit d’accompagner à l’échelle des couches infrastructurelles les organisations publiques et privées dans la compréhension des enjeux numériques. Cette alliance souhaite aussi imaginer, proposer et mettre en pratique des évolutions d’usages et des solutions adaptées en termes de risques et de data continuum. Infralliance a pour vision une souveraineté numérique ancrée dans le réalisme et l’ouverture sans faire preuve de naïveté face aux grands acteurs chinois et américains.
L’infrastructure le « parent pauvre » de la souveraineté numérique
Lors de la conférence Gabriel Chenevoy, DG Terralpha a rappelé l’importance de la souveraineté numérique. Pour lui, l’infrastructure est le « parent pauvre » de ce concept. « Nous avons tous entendu parler d’interception de communication, de vol de données chiffrées... il est donc important de prendre conscient de ces enjeux. Il faut donc se faire connaître et trouver des solutions. Avec Infralliance notre objectif est tendre vers la Souveraineté numérique même si les équipements de l’infrastructure sont les plus souvent fabriqués hors d’Europe. Ainsi, cette alliance souhaite aller vers cette indépendance numérique. » Terralpha, filiale de la SNCF est un opérateur de télécoms qui déploie un réseau alternatif sur le territoire nationale. Son réseau utilise les fibres optiques posées le long des voies de chemin de fer.
Puis Franck Simon, Président de France IX Services a rappelé que son groupe est un fournisseur de service d’échange de trafic internet en France et une place de marché. France IX propose des services d’interconnexion publics et privés par l’intermédiaire de points d’échange neutres. Son entreprise a de nombreux acteurs qui vont des banques aux opérateurs de services. Elle propose une chaîne de valeurs avec une maîtrise de l’infrastructure en utilisant des fournisseurs comme Nokia. Certains de leur clients exigent que France IX n’utilisent pas de fournisseur étrangers hors d’Europe ce qui est la finalité d’Infralliance. Ainsi, à la fin du mois Françe IX va lancer une place de marché pour faciliter l’accès aux acteurs du Cloud français.
Telehouse veut éviter la balkanisation de l’internet
Sami Slim Directeur Général de Telehouse a expliqué l’objectif de son entreprise pour son adhésion à Infralliance. Le data Center de Telehouse Voltaire est le 4ème data center au niveau de l’importance des flux qui y transite a-t-il rappelé. L’objet de l’action de Telehouse, opérateur japonais, permet d’éviter la balkanisation d’internet. Le Japon a participer à la signature de l’accord pour l’ouverture des réseaux internet entre la Japon et l’Europe qui a permis de monter aux acteurs du monde que l’agressivité au niveau d’internet est néfaste et conduit à l’augmentation des coûts. Ainsi, Infralliance permet d’affirmer une fois de plus ce concept en apportant des réponses concrètes aux législations en vigueur en Europe comme le RGPD par exemple.
Il est important que les opérateurs d’infrastructures et de Cloud s’allient pur atteindre la souveraineté numérique
Puis Jean-Noël BARROT, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications a salué la naissance d’Infralliance qui va permettre de renforcer l’objectif de souveraineté numérique. Il a rappelé que le principe de souveraineté numérique est particulièrement soutenue par le gouvernement. Pour le gouvernement, il est important que les opérateurs d’infrastructures et de Cloud s’allient pour atteindre cet objectif. En effet sans les fournisseurs d’infrastructures atteindre la souveraineté serait plus difficile.
Le Covid et la guerre en Ukraine ont montré l’importance de la souveraineté numérique
Par la suite Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique, a expliqué que pour son institut s’associer à une telle alliance est important. Cette alliance est au cœur des combats d’aujourd’hui pour atteindre cette souveraineté. Le Covid et la guerre en Ukraine ont montré l’importance de la souveraineté numérique. En effet on risque d’aller vers une nouvelle fragmentation dans laquelle on ne travaillerait plus avec la Russie et d’autre pays. Si nous parlons tant de la souveraineté numérique c’est que nous en manquons ! s’est-il exclamé. Il estime que depuis 25 ans nous avons pris des décisions complaisantes vis à vis de pays comme les États-Unis ou la Chine. Aujourd’hui on ose reparler de politique industrielle ainsi ce concept est de plus en plus à l’ordre du jour. Par définition, l’Europe doit développer son écosystème. Par exemple lorsque les données de santé sont hébergées chez Microsoft qui est soumis à la Loi américaine on peut se poser les questions de l’action de l’Etat français. Il est nécessaire de développer des technologies européennes pour se libérer de la vassalisation d’internet, a-t-il conclu son intervention.
David Chassan directeur de la stratégie de 3DS Outscale a rappelé que son entité est une marque au sein de Dassault System. Elle propose des solutions de Cloud opérateur à la fois en interne pour faire fonction de Cloud au sein du groupe Dassault mais aussi pour des opérateurs sensibles. Selon David Chassan la souveraineté permet aux acteurs d’être soumis et de respecter les lois européennes et de se protéger contre les législations hors d’Europe comme celle des Etats-Unis. La société permet de décider de sa stratégie en pleine conscience des enjeux de souveraineté. Le réel argument a apporté par 3DS Outscale est la certification de ses solutions qui garantissent l’intégrité des services proposés. Ainsi il est certifié ISO 27001 et SecNumCloud la certification de l’ANSSI. Dans ce cadre Infralliance permet aux acteurs de faire le choix de leur propre connectivité. Ainsi, sa société a hébergé l’application TousAntiCovid. De plus il a aidé à développer l’ensemble des vaccins anticovid sur sa plateforme en toute sécurité pour les laboratoires pharmaceutiques. Au niveau européen 3DS Outscale va s’engager pour que le label européen qui s’inspire de SecNumCloud s’impose.
La maitrise des semi-conducteurs est primordiale pour atteindre la souveraineté numérique
Édouard Castellant, Directeur Général Europe de Nokia France rappelle que les enjeux des composants électroniques est primordial. Par contre l’Europe est à la traîne sur les semi-conducteurs. Nokia développe ses propres semi-conducteurs et est le seul acteur opérateur européen à fournir l’ensemble de la chaîne lié aux télécoms avec les matériels de transports de télécoms tant fixe que mobile, les semi-conducteurs, les équipement réseaux... La conception des semi-conducteurs n’est pas déléguée ce qui lui permet d’être indépendant tant au niveau de l’approvisionnement que de la création des designs et de la production. Nokia a une implantation forte en Europe avec plusieurs usines en France et à des experts locaux. Enfin, pour lui les jeux de cybersécurité au niveau des réseaux télécoms est primordial. Ainsi, à Lannion il travaille avec l’ANSSI sur la création de réseaux d’infrastructures virtuelle.
Le code des marché publics doit être réformé
Alain Sailliot directeur du Réseau de Collecte de la SNCF Solutions a rappelé son activité en tant que fournisseur d’accès du Groupe SNCF ce qui reprennent plus de 4000 points sur l’ensemble du territoire. Les enjeux sont simple produire un service de qualité avec un zéro défaut. Ainsi avec la coupe du monde du rugby et les jeux olympiques cède jeux revêtent encore plus d’importance. Les niveaux d’exigence sont gradués en fonction de la criticité des services. Par exemple, les informations sur la circulation des trains est totalement réalisé en interne avec même des équipes de câbliers sur certains sites essentiels. Le choix a été fait de s’appuyer sur Terralpha sur une centaine de site en France ce qui lui permet d’apporter le très haut débit. Il a donné l’exemple de la perte de connectivité dans un "Techni-centre" ou dans une gare qui peut induire une pagaille dans les gares et perturber le bon déroulement des voyages. De ce fait, il faut sans cesse améliorer la résilience de ses réseaux. Pour lui l’informatique est au service du réseau ferroviaire. Il faut donc convaincre la direction pour qu’elle accepte des investissements plus importants et supplémentaires. Il estime que les acheteurs ont une responsabilité dans le choix des fournisseurs de même que le code des marchés publics. Ainsi, le développement de la souveraineté nécessite de s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise. Il milite aussi pour la modification du code des marchés publics dans certains cas.
Nous sommes au début de la montée en charge du Cloud
Sébastien Lescop. DG de Cloud Temple est un acteur du Cloud dont les clients ont des besoins important de cybersécurité du fait des données sensibles qu’ils manipulent. Les infrastructures Cloud sont dominées par les États-Unis et les chinois et ce phénomène s’accélère. Les acteurs français présents même si leurs part de marché croît, ont un impact encore trop faible sur ce marché. Selon Sébastien Lescop, nous sommes encore au début de la montée en charge du cloud. Il considère que la cybersécurité du Cloud en France reste un débat d’experts on a certes un référentiel avec SecNumCloud mais il ne concerne que très peu d’acteur car il est très élitiste.
Alexandre Ibanez, President du GIE VR Connection Aujourd’hui il y a une prise de conscience de l’importance de la souveraineté numérique au sein de son GIE qui traite des technologies immersives. La France et l’Europe ont une réelle avance dans ce domaine. Ces technologies sont très gourmandes en termes de réseaux. Elles ont donc besoin d’un réseau puisant et stable. Il rappelle que les technologies immersives ne peuvent pas se permettre d’avoir de la latence. Toutes les données qui transitent sur les technologies immersives ne doivent pas sortir hors de l’Europe. Si les prix des acteurs américains et chinois sont très bas c’est parce qu’ils se laissent le droit d’utiliser les données qui transitent sur leur réseaux. Il est donc primordial que les acheteurs intègrent ce point dans leurs appels d’offres.
Une feuille de route ambitieuse
Enfin, il a été rappelé les grands éléments de la feuille de route d’Infralliance. En premier lieu un livre blanc va être édité. Il sera un outil d’aide à la décision pour les acteurs en responsabilité du déploient des réseaux. De plus l’alliance s’est fixé pour objectif de tisser des liens entre les autres associations et le gouvernement. Enfin une journée sur la cybersécurité va être organisée au deuxième semestre 2023.