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Henri Leben et Anaïs Amec, Colbert Paris : Google érigé en défenseur de la vie privée !

novembre 2013 par Henri Leben et Anaïs Amec avocats, Colbert Paris

Si cette affirmation est bien évidemment ironique, c’est cependant le rôle que le tribunal de grande instance de Paris souhaite désormais imposer au géant de Mountain View. L’affaire à l’origine du jugement du 6 novembre 2013 est bien connue, car ayant donné lieu au moment des faits à de larges commentaires dans la presse.

En l’espèce, M. Max M. ex-patron de la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) avait été filmé à son insu, alors qu’il participait à des séances sadomasochistes avec des prostituées déguisées en déportés. Des photos, issues de la vidéo prise sur les lieux, avaient ensuite été publiées par un journal anglais avant d’être reprises sur de très nombreux sites Internet.
M. Max M. a alors engagé plusieurs procédures, notamment en France et en Angleterre, afin d’obtenir le retrait des photographies et vidéos incriminées. Les photographies réapparaissant néanmoins systématiquement sur de nouveaux sites, Max M. s’est adressé directement à Google afin d’obtenir le déréférencement de tous les liens renvoyant vers un site hébergeant lesdites photographies.

C’est dans ce contexte que le Tribunal de grande instance de Paris a, par jugement en date du 6 novembre 2013, ordonné à la société américaine Google Inc. de retirer et de cesser, pendant une durée de cinq ans, l’affichage sur le moteur de recherche Google images de neuf images considérées comme portant atteinte à la vie privée de Max M.

Cette affaire est d’autant plus importante qu’elle semble mettre à la charge de Google une obligation de surveillance l’obligeant à surveiller, a priori, les contenus des sites Internet avant de les indexer.

La juridiction parisienne a justifié la création de cette obligation en invoquant la violation par le moteur de recherche américain du droit au respect de la vie privée, violation d’autant plus caractérisée que Google Inc. avait connaissance de l’atteinte que ces images portaient à la vie privée du demandeur.
L’absence de limite dans le temps de l’obligation de déréférencement la rendant trop absolue, les juges l’ont limitée à une durée de cinq ans à compter de l’expiration du délai de deux mois suivant la signification de la décision, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par manquement constaté.
Les juges ont également considéré que la mesure relative aux neuf clichés ne se heurtait à aucun obstacle matériel ou technique et que l’éventuel risque allégué par Google de sur-filtrage d’images proches des neufs images concernées devait être considéré comme mineur, compte tenu de la nature des clichés.

Google Inc. a également été condamnée à verser un euro de dommages et intérêts à M. Max M. au titre d’un préjudice de principe et 5.000 euros au titre des frais de justice.

Il est intéressant de souligner que le tribunal ne s’est pas fondé sur la loi informatique et libertés pour rendre sa décision et a préféré appliquer les dispositions de l’article 9 du Code civil relatives au droit au respect de la vie privée, alors même que Max M invoquait les deux fondements.

Pourtant, la jurisprudence a déjà eu l’occasion d’appliquer la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 dans le cadre d’une demande de désindexation de contenus illicites. C’est en effet sur ce fondement qu’un juge des référés avait condamné la société Google Inc. à supprimer de ses moteurs de recherche tous les résultats apparaissant à la suite de requêtes effectuées à partir du nom d’une personne devenue enseignante et menant à une vidéo pornographique dans laquelle elle avait tourné des années auparavant. Dans cette précédente affaire, le TGI de Montpellier avait considéré que la société Google Inc. réalisait un traitement de données à caractère personnel dans la mesure où cette dernière indexait les pages web et les mettait à la disposition des internautes. Les magistrats avaient par conséquent considéré qu’il incombait à Google « d’aménager la possibilité d’un retrait a posteriori des données à caractère personnel en permettant la désindexation des pages à la demande de la personne concernée par ces données en application de l’article 38, alinéa 1er » de la loi du 6 janvier 1978 relatif au droit d’opposition (TGI Montpellier, ord. réf., 28 oct. 2010, C. c/ Google France et Google Inc., confirmé par CA Montpellier Chambre 5, section A, 29 Septembre 2011 N° 11/00832).

Par ailleurs, même si la décision du 6 novembre 2013 ne se fonde pas sur la loi de 1978, il est difficile de ne pas y voir la validation d’une forme de droit à l’oubli, tel que prévu par le projet de règlement communautaire sur la protection des données personnelles

Le projet de règlement européen du 25 janvier 2012 prévoit en effet un « droit à l’oubli numérique et à l’effacement » et devrait permettre à la personne concernée d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de données à caractère personnel la concernant, ainsi que la cessation de la diffusion de ces données sous certaines conditions.

Le projet de règlement communautaire n’est cependant toujours pas adopté et Google Inc. a d’ores et déjà annoncé qu’elle ferait appel de la décision rendue par le TGI de Paris. Jurisprudence et Règlementation peuvent donc encore évoluer de nombreuses fois avant que les justiciables ne soient réellement en mesure d’exiger de Google qu’elle désindexe les liens portant atteinte à leur vie privée.

www.colbert-avocats.com


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