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Forum Atena : le peer-to-peer en question...

novembre 2008 par Emmanuelle Lamandé

Peer-to-peer et téléchargement illégal vont souvent de pair dans les mentalités. Montré du doigt comme le principal vecteur de cette pratique, on n’oublie qu’à l’époque les politiques ont fermé les yeux sur ce type de piratage pour ne pas ralentir le développement d’Internet. Résultat : nous nous retrouvons dans un système où il est plus simple d’être malhonnête et dans lequel pirater coûte moins cher. Comment voulez-vous réglementer pareil système ? Ce n’est pas la Loi Création et Internet qui enrayera complètement ce type de pratique. Si les utilisateurs ne téléchargent plus via le P2P, ils le feront par un autre moyen. Sujet d’actualité brûlant débattu lors du Forum Atena, sponsorisé par Arkoon et Alma Consulting Group.

Gérard Peliks, Directeur de l’atelier sécurité du forum Atena

Depuis l’invention des médias, la circulation de l’information est fortement réglementée, encouragée par des mécanismes de propriétés et de censure. Cependant, la propriété est économiquement utile quand les coûts de transaction sont inférieurs aux bénéfices engendrés. L’innovation numérique génère de nouveaux systèmes de distribution et de nouveaux investissements. Pour Olivier Bomsel, Cerna, Mines Paris Technique, à chacun de ces marchés sera associé un nouveau système technique et tarifaire, au niveau de la vente et de la distribution aux utilisateurs, de manière à toucher chaque segment de consommateur. La question est de savoir comment le P2P doit s’insérer dans cette panoplie de distribution ?

Jusqu’à présent, les industries de réseau utilisent le piratage pour doper leur déploiement. Le peer-to-peer se développe comme outil d’échange de contenus (de piratage). A l’époque, les politiques ont fermé les yeux sur ce type de piratage pour ne pas ralentir le développement d’Internet. L’incitation à ce type de pratique était même massive. Aujourd’hui, la propriété doit être rétablie et au meilleur coût. Son déploiement achevé, Internet doit dorénavant s’insérer dans l’économie des médias et les FAI devenir des transporteurs légaux. A l’avenir, le peer-to-peer va servir à augmenter le trafic des informations sur le réseau. Dans cette nouvelle phase, le P2P va jouer, selon lui, le rôle inverse de ce qu’il jouait jusqu’alors et ne doit donc plus être systématiquement associé à l’illégalité.

Selon Franck Dickson, directeur de recherche auprès de Multimedia Intelligence, « dans les prochaines années, le trafic en mode P2P ne serait plus seulement lié au téléchargement illégal, il pourrait surtout "apparaître comme un moyen viable de distribuer légalement des contenus. Ainsi, le trafic légal en P2P devrait progresser dix fois plus rapidement au cours de ces cinq prochaines années que le téléchargement illégal ».

Le P2P est un système qui permet aux utilisateurs d’échanger des ressources (contenu, relais d’appels téléphoniques, système de streaming, audio, vidéo, …). Pour Fabrice Le Fessant, INRIA, équipe ASAP, plusieurs contraintes caractérisent ce type de réseau : la volatilité très importante des utilisateurs, qui se connectent et se déconnectent à tout bout de champ, la distribution géographique, à travers le monde, les nombreux asynchronismes, très difficiles à tolérer dans un réseau, sans oublier la limitation des ressources. L’objectif est de faire émerger une organisation dans un tel réseau.

Bertrand Mathieu, Orange Labs, travaille sur la distribution des contenus audiovisuels légaux sur une architecture de réseaux P2P contrôlée et sécurisée. « Le P2P a très souvent été utilisé illégalement, il est donc très mal perçu ». Pourtant, selon lui, cette technologie est intéressante pour distribuer du contenu audiovisuel si le contenu est authentifié et marqué. Pour ce faire, il s’agit d’introduire une marque, un tatouage, dans le contenu lui-même. Si il n’y a pas de tatouage, c’est que le contenu est illégal.

Pour Marc-Michel Pic, Advestigo, l’approche P2P se généralise et des applications légales voient le jour. L’objectif est d’arriver à identifier les contenus, en partie ceux qui sont illégalement diffusés. Pour ce faire, Advestigo a inventé et breveté ce qu’il appelle la "Théraographie". Celle-ci permet de réaliser une "empreinte digitale" des fichiers numériques. Utilisable sans modification de l’oeuvre originale, elle permet de retrouver tout ou partie d’un morceau de musique, d’un texte, d’une image ou d’une vidéo dans n’importe quel document multimédia composite.

La France, championne du monde du téléchargement !

« En France, on constate 450.000 téléchargements de films par jour et 2 millions de musique par jour. Nous sommes champion du monde ! » souligne Théodore Martin, Vedicis. Pour lui, le filtrage sélectif est aujourd’hui possible ; la technologie est prête. Cependant, les opérateurs et les ayants droit doivent cesser de tirer la corde chacun de leur côté. Il est nécessaire qu’ils s’associent pour, enfin, trouver un équilibre.

Pour Hervé Rony, SNEP, la question se pose aujourd’hui avec le P2P mais demain le problème viendra d’ailleurs. La technologie aura toujours un temps d’avance et le téléchargement illégal aussi.

La loi Création et Internet risque, en outre, d’avoir des effets pervers, en accentuant notamment la migration, déjà perceptible, des internautes vers des moyens d’échange autres que les réseaux peer-to-peer. D’ailleurs, à ce sujet, le P2P a déjà un petit frère : le P4P. Evoqué par Marguerite Faycal et Ahmed Serhouchni, Telecom ParisTech, le P4P permet d’améliorer le trafic réseau, en réduisant le nombre de routeurs sollicités et les transferts de données nécessaires pour effectuer les téléchargements. Le P4P optimise les transferts d’un point de vue géographique, ce qui réduit l’encombrement des réseaux.

Selon Michel Riguidel, Telecom ParisTech, « si on veut se défendre à armes égales pour lutter contre le téléchargement illégal, il faut disposer d’architectures à la P2P pour faire du monitoring et de l’observation ». C’est ce qui règlera, selon lui, le problème.

La force du mouvement a été telle que le discours de prévention contre l’aspect illégal du téléchargement n’a eu aucun poids. Aujourd’hui, la mutation est profonde et le marché doit s’adapter. La « patate chaude » est lancée depuis quelque temps déjà. Tout le monde prétend réfléchir à une éventuelle solution, mais personne ne veut en avoir la responsabilité économique et chacun reste campé sur ses positions : les FAI ne peuvent pas contrôler ce qui passe dans leurs tuyaux et les ayants droit ne veulent pas assumer le coût de solutions techniques de cryptage, ... Heureusement, l’Hadopi veille... Dans le cadre de la loi Création et Internet, la ministre de la Culture a pour objectif que l’Hadopi sanctionne chaque jour 1.000 internautes. Les systèmes de quotas sont à la mode … encore une belle initiative !


Le « p’tit grain de folie » de l’événement : Mauro Israël, Expert en sécurité, entre en connexion avec la Californie et Philip Zimmermann, le célèbre concepteur du PGP, logiciel de chiffrement largement distribué, qui allait bouleverser l’approche entre le citoyen et l’utilisation "libre" de la cryptologie. En 2006, il a créé Zfone, un logiciel multiplateforme de chiffrement des flux de communication de téléphonie sur Internet au standard ouvert SIP, fonctionnant en P2P.


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