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Directive terrorisme : Le Parlement européen cède lâchement aux sirènes sécuritaires !

septembre 2016 par La Quadrature du Net

Le Parlement européen étudie depuis plusieurs mois une directive destinée à mettre à jour les textes européens sur la lutte contre le terrorisme. Après un vote en commission LIBE, la directive a été envoyée immédiatement en trilogue, réduisant ainsi, avec l’accord des députés, les capacités de débat démocratique sur un sujet pourtant sensible pour les droits fondamentaux.

Aujourd’hui, mercredi 28 septembre doit avoir lieu le troisième trilogue entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne. Face à l’impasse organisée par les institutions européennes, La Quadrature du Net revient sur les manquements et les dangers de ce texte.

Monika Hohlmeier, rapporteure du texte.
Le texte initial, basé sur un rapport parlementaire de Rachida Dati (PPE - FR) catastrophique pour les libertés d’expression et d’information, et pour la vie privée (interdiction de Tor, de VPN, responsabilité accrues des hébergeurs et des plateformes), a été finalisé très, sans doute trop rapidement par la Commission européenne pour répondre aux pressions de la France, suite aux attentats de Paris en novembre 2015.

Nous espérions que le Parlement européen, et notamment la commission LIBE, connue pour ses positions les plus favorables aux libertés civiles, résisterait aux pressions de la rapporteure Monika Hohlmeier, qui n’a eu de cesse de renforcer dans le texte de la directive les mesures floues et dangereuses. Mais de résistance il n’y a pas eu, et les députés ont voté presque unanimement un texte rédigé trop rapidement, sans étude d’impact permettant d’en mesurer l’effet sur les libertés. Même les rapporteurs des groupes Verts, ALDE et S&D, parfois massivement soutenus par leurs groupes politiques respectifs, ont accepté ce texte sans véritablement pousser à l’amender. Non contents de leur démission législative, ils ont aussi voté un mandat à la rapporteur pour négocier directement le texte avec le Conseil de l’Union européenne et de la Commission, sans que l’ensemble du
Parlement n’ait pu se prononcer dessus.

Si nombre des aberrations présentes dans le rapport Dati ont été retirées car impossibles à mettre en œuvre, la directive terrorisme reste un texte disproportionné, voté dans la précipitation et sans réelle prise en considération de son impact à moyen et long terme sur les droits fondamentaux, et sans efficacité concrète pour la lutte antiterroriste, au moins pour les mesures concernant Internet.

• Le texte de la directive manque de précision sur des termes pourtant clés et déterminants pour le périmètre des mesures ensuite votées : « apologie » et « glorification » du terrorisme, « radicalisation », sont des concepts qui demandent une marge d’interprétation la plus faible possible afin de ne pas entraîner un déficit de prévisibilité de la loi et de garantir le droit à la sûreté prévu par la Charte européenne des droits fondamentaux. http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf. Cette nécessité de précision a également été soulignée par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste. Selon lui, l’infraction d’incitation au terrorisme doit être prescrit par la loi et éviter des termes vagues comme « glorification » ou « apologie du terrorisme ».

• Le blocage de site et le retrait de contenu sans décision judiciaire a priori a été rajouté dans le texte par les eurodéputés à la suite des discussions en Commission LIBE, et ce malgré l’inefficacité de ces mesures mises en œuvre en France par la loi terrorisme de 2014, mais aussi de leur caractère disproportionné et contre productif.

• Le projet de directive prévoit que fournir un service en ayant eu la « connaissance » ou « l’intention » que ce service peut être utilisé par des terroristes rentre dans la définition « d’aide et de complicité ». Les différentes transpositions de cette disposition par les États membres pourraient mettre en danger les fabricants d’outils d’anonymisation et de protection de la vie privée en les rendant responsables de la manière dont auraient été utilisés leurs outils.

Nos visites aux Membres du Parlement européen, nos appels, nos emails, nos communiqués de presse n’ont reçu que la même réponse laconique, la même que celle donnée par les députés et sénateurs français lors de l’adoption de la loi Renseignement ; une réponse qui n’attend que des mesures de façade face à un problème complexe qui demande une réelle réflexion. Même Eva Joly (Verts - FR) ou Caterina Chinnici (S&D - IT) issues de groupes politiques généralement plus critiques face aux décisions hâtives et dangereuses ont cédé à la pression du PPE et de la France et tentent naïvement de « sauver les meubles ». Et lorsque des dissensions existent au sein d’un groupe, comme au sein du groupe libéral ALDE où des députés sont fermement opposés à la censure et à la surveillance, le rapporteur fictif, Petr Jezek (ALDE - CZ) n’en tient pas compte et adoube ainsi les positions dangereuses de la rapporteure principale.

Eva Joly (Verts - FR), Caterina Chinnici (S&D - IT) et Petr Jezek (ALDE - CZ)
Comme la France avant lui, le Parlement européen préfère jouer la politique de l’autruche et céder à des basses stratégies électoralistes. Pourtant fiers de leur indépendance, les eurodéputés s’inclinent face aux sirènes sécuritaires des États membres pourtant peu enclins à la protection des droits fondamentaux.
La Quadrature du Net regrette profondément ce virage sécuritaire du Parlement européen, qui incapable de faire face à son manque de légitimité au sein de la population, se voit forcé de marcher sur les plate-bandes de gouvernements nationaux en adoptant des mesures de façade.

Face à la surdité manifeste des députés européens ainsi que des représentations nationales, La Quadrature du Net a décidé de ne plus gaspiller ses forces et de concentrer son énergie sur d’autres terrains et sur d’autres sujets tout aussi brûlants comme le chiffrement, la directive ePrivacy, le paquet télécom, la réforme du droit d’auteur.

La Quadrature du Net appelle les députés de la commission LIBE du Parlement européen ainsi que tous les députés lors de la plénière à refuser ce texte dangereux !
Nous l’avons écrit lors de l’adoption de la loi Renseignement et nous le répétons : nous continuerons le combat contre cette loi intrusive et toutes celles qui suivront partout où nous le pourrons, en particulier devant les institutions et juridictions européennes. Puisque nous en sommes en est arrivés là, nous aiderons les citoyens à se protéger contre la surveillance quelle qu’elle soit.


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