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Claire LECOCQ, DGA EPITA Paris : Être une femme dans le Numérique et la Cybersécurité est une chance à saisir

juillet 2022 par Valentin Jangwa, Global Security Mag

Lors de l’inauguration de l’installation de l’EPITA au Campus Cyber, notre rédaction a rencontré Claire LECOCQ, Directrice Générale Adjointe, de l’EPITA Paris. Pour elle être une femme dans le Numérique et la Cybersécurité est une chance à saisir.

GLOBAL SECURITY MAG : quelles sont les actions menées par l’EPITA pour encourager la Diversité et l’Inclusion, notamment pour les femmes dans les métiers du Numérique et de la Cybersécurité ?

Claire LECOCQ : Je suis Claire LECOCQ , Directrice Générale Adjointe de l’EPITA, je dirige aussi le site de Paris qui est le plus gros site parmi les cinq que nous avons en France, puisque nous en avons aussi à Toulouse, Strasbourg, Rennes, et Lyon.

Concernant les actions, on parle beaucoup de développer des « Rôles Modèles » pour inspirer les petites filles, et évidemment que c’est important. Mais je pense qu’on se trompe un petit peu quand on parle de « Rôles Modèles », on affiche des immenses scientifiques qui sont un peu écrasantes. En fait, une petite fille ne peut pas facilement s’identifier à Marie CURIE ou à nos grandes informaticiennes comme Ada LOVELACE, qui sont en plus des personnages qui ont environ deux cents ans. Il faut donc parler de personnes contemporaines comme nous, que les petites filles peuvent croiser dans la rue ou au super marché, en leur disant par exemple « je suis une informaticienne, et je vais bien ».
Il est nécessaire de déconstruire dans les familles (à la fois pour les petits garçons et les petites filles), au-delà de l’idée de l’hyper masculinité du Numérique en général et de la Cybersécurité en particulier, en affirmant que ce sont des métiers dans lesquelles on dialogue, on s’épanouit, on rencontre énormément d’interlocuteurs et d’interlocutrices. En effet, ce ne sont pas des métiers dans lesquelles on reste dans une cave devant un ordinateur.
Nous avons des actions par lesquelles on va chercher de plus en plus tôt, avant les collégiennes, et maintenant dans les écoles élémentaires, les petites filles, pour leur faire pratiquer l’Informatique. Parce qu’assez naturellement, les écosystèmes, les écoles, les familles, vont donner des ordinateurs aux petits garçons, et les petites n’ont pas l’occasion de se confronter à cette réalité, et ainsi elles s’en font encore une fois, une image qui est fausse. Donc, nous mettons en place des Ateliers avec une Association qui nous est vraiment chère et qui s’appelle « Girls can code », et qui dans toute la France, fait vivre aux petites filles les activités de programmation et leur fait découvrir le domaine, afin qu’au moins elles puissent répondre à cette question « est-ce que c’est fait pour moi ou non ».
On se pose la question de savoir à quel moment il faut déconstruire. J’ai été dans une zone défavorisée, et avec tous les clichés que l’on peut imaginer. J’ai posé à une classe de CM1 la question suivante « est-ce que vous pensez que l’Informatique c’est fait pour les petites filles ? » Toute la classe m’a répondu que ma question était stupide, et cela m’a rassurée.

La troisième action dans ces milieux un peu déséquilibrés en termes de mixité, c’est de prendre conscience qu’on a des minorités, et de les protéger. Donc une fois que les jeunes filles sont dans nos écoles, on doit leur proposer des écosystèmes de paroles propres, des moyens propres, et on doit prendre extrêmement au sérieux leurs sentiments de sécurité, dans un monde qui est souvent éventuellement maladroit. En effet, nous avons trois mille trois cents étudiantes et étudiants, et rien ne me fait plus peur que d’entendre certaines remarques de la part de certains Directeurs d’autres écoles « ah, tu as des problèmes de violence sexuelle et ou sexiste ? Moi je n’en ai pas ». Je leur réponds que s’ils n’en ont pas, c’est juste qu’on ne leur en parle pas. Et étant donné le volume d’étudiantes et étudiants, cela montre que ces Directeurs ne gèrent pas la situation. On voit que cela explose dans un certain nombre d’écoles, ce sont les étudiantes et étudiants qui mènent les enquêtes et les Directions « tombent de l’arbre ». Ce problème doit être traité et les valeurs doivent être réaffirmées. Il faut qu’il y ait des communications très régulières pour que les étudiantes se sentent légitimes, et que n’importe quelle personne qui ne se sent pas en sécurité ou qui a le sentiment d’avoir été agressée verbalement ou physiquement puisse saisir une administration et qu’elle ait confiance que ça va répondre.

Je suis à l’EPITA depuis Septembre 2020, j’ai fait savoir que ces sujets étaient très importants pour moi, et ce qui est très intéressant, c’est de voir les effets de bord. Effectivement, non seulement les victimes ou les personnes qui se pensent victimes nous saisissent, mais comme cela fait partie des valeurs partagées, les jeunes hommes qui assistent aux scènes qu’ils trouvent choquantes, et qui avant restaient en retrait en ayant peur, en se disant que de toute façon il ne se passerait rien et que ces autres hommes ayant ces comportements étaient trop puissants, maintenant se mobilisent en se disant qu’il y a une Administration qui
est derrière et qui va légitimer leurs réactions.

La dernière chose qu’on doit faire aussi, c’est que même si les jeunes filles accèdent à ces études et sont protégées dans nos écosystèmes, il reste un biais qui est qu’une jeune fille, on l’a éduquée pour se mettre en retrait. Dans certains cas à un moment de la scolarité, nous allons décider que tous les Chefs de projets seront des jeunes filles. Et c’est très satisfaisant de constater qu’après, ces jeunes filles veulent rester Chefs de projets.

GLOBAL SECURITY MAG : Quels sont vos messages pour inciter les jeunes filles et femmes à aller vers ces métiers du Numérique et de la Cybersécurité ?

Claire LECOCQ : Premièrement, être une femme dans le Numérique ou la Cybersécurité, c’est une chance à saisir. Je n’aurais jamais été DGA d’une grande école du Numérique et de la Cybersécurité il y a 10 ans. Certes là je n’ai pas été choisie parce que j’étais une femme, mais sur mon CV, sauf que le fait que je sois une femme aurait été rédhibitoire il y a 10 ans. Maintenant, on a conscience que la Diversité crée de la valeur, donc c’est aussi une chance d’être une femme, et on vient chercher cette Diversité. Alors il faut prendre sa chance !
Le deuxième message, c’est qu’on ne perçoit pas dans le Monde du Numérique et de la Cybersécurité que les jeunes personnes sont très attirées par la question du sens du métier, c’est-à-dire qu’elles vont chercher à comprendre comment ces métiers servent au développement durable ou à la défense des citoyens et citoyennes, des États, des Organisations systémiques pour l’État, et protègent la Démocratie.


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