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Anonymous, Indignés, LulzSec... entre cyberguérilla et nouveaux « Robin des Bois » ?

octobre 2012 par Emmanuelle Lamandé

« Anonymous, Indignés, LulzSec… les mouvements de rébellion s’emparent aujourd’hui de la scène économique. Quelles sont les règles de ce nouvel « Art de la guerre » ? Qui sont ces nouveaux « Robin des Bois » qui n’hésitent pas à utiliser la Toile comme outil de revendication ? » Doit-on parler de cyberguérilla ? Quels sont les points communs et les différences avec les mouvements de rébellion connus de longue date ? Jean-Christophe Rufin*, Prix Goncourt et membre de l’Académie française, nous livre quelques éléments de réponse à l’occasion de la conférence plénière des Assises de la Sécurité.

Jean-Christophe Rufin, Prix Goncourt et membre de l’Académie française

Internet consacre le principe du conflit asymétrique. Sur la Toile, un individu, voire un collectif isolé, peut attaquer efficacement les infrastructures informatiques ou la réputation d’une entreprise comme d’un État. On assiste ainsi peu à peu à une prolifération de groupes de petite taille ou de taille intermédiaire qui pratiquent ce type de « guerre ».

Toutefois, l’existence de ces petits groupes violents n’est pas nouvelle. La période de la guerre froide a, par exemple, vu l’émergence de groupuscules de ce type, rappelle-t-il. Cependant, pendant cette période, ces groupes étaient bien connus des puissances en place. C’est d’ailleurs ce qui marque la grande différence avec ce que nous pouvons observer ces vingt dernières années : une autonomisation de ces groupes violents et armés. Les autorités ont aujourd’hui perdu la maîtrise et la connaissance de ces différents collectifs.

Des conflits de plus en plus déterritorialisés…

Ces nouvelles formes de rassemblements sont également caractérisées par leur déterritorialisation. Auparavant, les combats de ce type de groupes étaient locaux, puisqu’ils se battaient principalement pour l’obtention d’un territoire… Ces guerres s’inscrivaient donc dans un territoire géographique bien délimité. A l’origine, il rappelle, par exemple, qu’Al-Qaïda a été créé dans le cadre d’une lutte locale en Afghanistan, mais a peu à peu évolué vers une lutte mondiale effectuée à distance, pour en arriver aux attentats du 11 septembre... Ce modèle d’attaque de l’ennemi lointain est, selon lui, amené à se généraliser. Toutefois, le fonctionnement déterritorialisé nécessite à la fois des moyens, mais aussi des zones de discrétion totale permettant de se fondre dans le paysage.

… qui maîtrisent les nouveaux outils de communication

Ces nouveaux conflits sont également marqués par une parfaite maîtrise des nouveaux outils de communication et notamment d’Internet. Ils ont rapidement compris comment mettre à profit les nouvelles technologies au service de leurs revendications. Ils sont, en outre, capables d’influencer l’opinion publique, via la diffusion de messages sur la Toile. La récente mise en ligne d’informations depuis le désert malien concernant les otages français en est le parfait exemple.

Cependant, ces groupes ont aussi assimilé les risques que ces nouveaux outils comportent. Aussi, ils n’hésitent à parcourir plusieurs centaines de kilomètres à dos de chameau pour assurer la confidentialité de leurs informations quand nécessaire…

Concernant ce qui se passe plus près de chez nous, les mouvements de type Anonymous, Indignés, LulzSec…, ne sont pas très différents, pour lui, des années 1968 ou de ce qui fut à l’origine des mouvements humanitaires, comme par exemple la création de « Mouvement Sans Frontières ». Il s’agit ici de la revendication du citoyen contre l’état. « Sauf qu’à l’époque nous étions considérés comme des « gentils » et nos motivations étaient plutôt consensuelles », précise-t-il. Les Anonymous, etc., ont au fond cette même volonté de redresser les torts de l’état. Les individus auront toujours une certaine forme de sympathie pour les « Robin des Bois » qui se battent contre la dure loi de l’état.

« La criminalité organisée c’est dangereux, la criminalité désorganisée c’est encore pire »

Toutefois, ces groupes se distinguent aujourd’hui par leur aspect flottant et complètement désorganisé. Il est très difficile aujourd’hui de leur attribuer une quelconque stratégie, c’est d’ailleurs ce qui apparaît le plus inquiétant. « La criminalité organisée c’est dangereux, la criminalité désorganisée c’est encore pire », explique-t-il.

Quelles sont, en réponse, les ripostes envisageables pour les entreprises ou les instances gouvernementales ? Pour tenter d’endiguer ce phénomène d’offensive numérique et venir à bout de ces menaces, la solution sera sans doute de raidir encore plus le fonctionnement du système. Une tâche qui ne sera d’autant pas simple que ces groupes sont complètement dispersés sur le territoire international… sans compter les risques d’une dérive sécuritaire. Ces mouvements de rébellion n’arriveront-ils pas au final à « montrer que nos régimes démocratiques sont en fait totalitaires », conclut-il.


* Jean-Christophe Rufin est à la fois médecin, humanitaire, essayiste politique, romancier, prix Goncourt et membre de l’Académie française. Il est aussi l’ancien vice-président de Médecins sans frontières, ancien président d’Action contre la faim, diplomate, ancien ambassadeur de France en Gambie, et au Sénégal.


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