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Souriez, vous êtes scannés !

janvier 2009 par Annabelle Richard, avocat aux barreaux de Paris et de New York, et Guillaume Bellmont, juriste, Cabinet Ichay & Mullenex Avocats

Depuis le 11 septembre 2001, les politiques globales de sécurisation d’un certain nombre de secteurs se sont nettement renforcées. Les voyageurs sont désormais habitués à se dévêtir partiellement à chaque passage d’un contrôle de sécurité. Les nouveaux portiques de sécurité pour le scannage corporel qui déshabillent les individus sont largement utilisés dans certains pays comme les Etats-Unis. On peut se poser la question de ce type de pratique même si les équipementiers assurent que l’image fournie n’est pas nette…

Les événements du 11 septembre 2001 ont eu pour conséquence, parfaitement compréhensible, la mise en œuvre d’une politique globale de sécurisation d’un certain nombre de secteurs, dont le transport aérien, et de lutte contre le terrorisme.

Le voyageur du troisième millénaire est désormais habitué à se plier à différentes mesures d’inspection, plus ou moins nombreuses et plus ou moins envahissantes selon les pays, destinées à limiter les menaces pesant sur la sécurité des individus.

Ainsi, il est devenu incontournable de passer sous un portique de sécurité détectant les métaux, de subir des fouilles corporelles plus au moins poussées (du simple déchaussage à l’inspection « approfondie »), de renseigner des formulaires en tout genre, de voyager avec un passeport biométrique (renfermant nombre d’informations et de paramètres personnels), de ne transporter aucun liquide en cabine (adieu trousse de toilette, pique-nique, etc.), et ainsi de suite.

Ces mesures ont été prises progressivement avec l’adoption d’un cadre règlementaire spécifique, notamment défini en France par la loi du 15 novembre 2001 et surtout par le règlement communautaire du 16 décembre 2002. Ce dernier vient d’être abrogé et remplacé par un règlement en date du 11 mars 2008 , destiné « à réexaminer le contenu du règlement de 2002 à la lumière de l’expérience acquise » et à « rendre plus souple l’adoption de mesures et de procédures de sûreté afin de s’adapter à l’évolution des évaluations des risques et de permettre l’introduction de nouvelles technologies » . Le règlement définit ainsi des normes de base devant être appliquées dans les aéroports de l’Union européenne, sous réserve de dispositions plus strictes pouvant être adoptées par chaque Etat.

Partir en vacances risque de commencer par une séance de déshabillage avant l’heure…

Mais la technique permet aujourd’hui d’aller encore plus loin. Très bientôt, partant en vacances, vous ne devrez plus seulement vous demander à quoi vous ressemblerez sur la plage en maillot de bain, mais aussi à quoi vous ressemblerez sous vos vêtements devant les agents de sécurité de votre aéroport préféré.

En effet, l’arsenal des mesures de sécurité dans les aéroports est sur le point d’être renforcé par la généralisation de l’utilisation des scanners corporels, destinés à remplacer les actuels portiques de sécurité détecteurs de métaux dans les aéroports. Ces machines utilisent des ondes capables de traverser les vêtements et d’obtenir ainsi, instantanément, une image du corps des voyageurs, un peu comme une radiographie, laissant apparaître les objets éventuellement camouflés même dans les endroits les plus secrets...

Sur le plan purement sécuritaire, ces scanners représentent sans aucun doute un progrès. En effet, ils comblent notamment la principale lacune des actuels portiques de sécurité en permettant de détecter la présence des objets en plastique, armes ou explosifs, rendant obsolète les fouilles corporelles plus ou moins approximatives.

… les moyens mis en œuvre sont-ils réellement proportionnels à la menace ?

Néanmoins, il convient de s’interroger sur la légitimité des atteintes potentielles à la dignité humaine et à la vie privée générée par ces scanners au regard du but poursuivi.

Est-il nécessaire pour assurer raisonnablement la sécurité des utilisateurs des transports aériens que l’ensemble de ces mêmes utilisateurs soit « déshabillé » ?

Les fabricants arguent, bien entendu, que l’intensité des ondes émises ne permettra pas la génération d’une image réellement nette et que l’on ne peut dès lors parler de déshabillage. Néanmoins, l’utilisation des scanners corporels pourrait être analysée en un traitement dégradant. De tels traitements sont contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, prévoyant le droit au respect de la dignité de la personne humaine. Le nouveau président élu des Etats Unis, Barack Obama, rappelait récemment dans son discours d’investiture que la recherche légitime de sécurité pour les personnes ne justifie pas l’atteinte aux valeurs fondamentales et aux libertés individuelles de ces mêmes personnes. A qui appartiendra-t-il de trancher ?

Cette atteinte ne risque-t-elle pas très vite de générer d’autres atteintes ? Comme l’atteinte à la vie privée qui pourrait résulter de la conservation des images scannées. Cette conservation est déjà évoquée par certains, à des fins d’analyse, d’étude, de formation ou dans l’hypothèse d’une enquête policière ultérieure.

Sous réserve que les autorités compétentes considèrent cette atteinte au respect de la vie privée proportionnée par rapport au but poursuivi, la constitution d’une base de données contenant ces images serait soumise aux dispositions de la directive communautaire n°95/46 du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Par conséquent, la collecte de ces données ainsi que leur conservation devraient être soumises au consentement préalable de l’individu. On peut alors s’interroger sur les conséquences d’un refus : le passager en question serait-il interdit de transport aérien ou soumis à une fouille corporelle intégrale plus traditionnelle ? Si tel est le cas, pourra-t-on vraiment parler de choix ?

L’Europe a mis un frein à ces déploiements, mais les questions posées trouvent peu de réponses

A ce jour, nous avons beaucoup de questions et proportionnellement peu de réponses. Pourtant, ces scanners sont d’ores et déjà une réalité. Ils sont utilisés depuis 2007 dans les grands aéroports internationaux aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en Suisse.

Dans l’Union Européenne, toutefois, leur déploiement a connu un coup d’arrêt à la suite d’une décision du Parlement européen en date du 23 octobre 2008. Les essais de ces nouveaux portiques de sécurité qui devaient avoir lieu en France ont donc été avortés.

A la demande des députés européens, déplorant l’absence de limites à l’utilisation de ces scanners corporels, une consultation a été lancée par la Commission européenne le 27 novembre 2008. Le but de cette consultation est de déterminer les mesures devant être prises pour encadrer l’utilisation de cette nouvelle technologie et garantir les droits et libertés fondamentaux des individus. Il devrait s’agir principalement d’assurer la conformité de l’utilisation des scanners corporels aux dispositions organisant la protection des données à caractère personnel.

Il faudra donc attendre le résultat de la consultation publique, ouverte jusqu’au 19 février 2009, pour savoir si les scanners corporels seront promus nouveau standard de sécurité des aéroports européens et si nous devrons tous apprendre à surmonter nos complexes avant les prochaines vacances !


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