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Annabelle Richard et Anne-Sophie Mouren, avocats Pinsent Masons : Droits fondamentaux ou état d’urgence ? Quand les sages disent non à la copie des données informatiques en l’absence de garantie légale…

mars 2016 par Annabelle Richard et Anne-Sophie Mouren, avocats Pinsent Masons

Encore une actualité qui rappelle la difficulté constante qu’ont les autorités françaises à trouver le juste équilibre entre la protection de l’ordre public, illustrée par la mise en place de mesures liberticides, et le respect de nos droits fondamentaux à la protection de nos données personnelles et au respect de la vie privée.

Annabelle Richard, avocats Pinsent Masons

Anne-Sophie Mouren, avocats Pinsent Masons

Dans une décision du 19 février 20161 sur saisie du Conseil d’Etat2 d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Ligue des Droits de l’Homme, les sages de la rue Montpensier ont étudié la conformité à la Constitution des dispositions de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, récemment modifiée après les attentats par la loi du 20 novembre 2015. Le Conseil constitutionnel a alors déclaré que l’article 11 § I de la loi sur l’état d’urgence, encadrant les perquisitions administratives en cas d’état d’urgence, était conforme à la Constitution, exception faite de la disposition autorisant la copie des données informatiques.
L’alinéa 3 de cet article avait été ainsi modifié par la loi de novembre 2015 : "il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues au présent article peuvent être copiées sur tout support".

Dans sa décision du 19 février dernier, le Conseil a d’abord considéré que les perquisitions administratives prévues par l’article 11 ne procèdent pas d’une "conciliation manifestement déséquilibrée entre les exigences" de respect de la vie privée de l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public pour les raisons suivantes :
• (i) en ce qu’elles ne sont applicables qu’en cas d’état d’urgence,
• (ii) dans une zone délimitée,
• (iii) elles sont justifiées et proportionnées et
• (iv) leur mise en jeu engage la responsabilité de l’Etat.

En revanche, les sages ont censuré la seconde phrase de l’article 11 alinéa 3 autorisant la copie sur tout support des données informatiques accessibles lors de perquisitions administratives, considérant que la copie de données informatiques constituait une véritable saisie. Or, les sages constatent que "ni cette saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée".

Le Conseil s’est ensuite alarmé de la possibilité prévue par l’article disputé de copier des données sans aucun lien avec "la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition". Le Conseil constitutionnel constate alors l’absence de garanties légales permettant d’assurer une "conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée".

Cette décision, soulignant la légèreté de certaines dispositions adoptées pour lutter contre le terrorisme, fait écho à celle rendue par les sages en juillet 20153 par laquelle une disposition de la loi Renseignement concernant les mesures de surveillance internationale a été censurée, notamment au motif que n’étaient pas définies dans la loi les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et que le législateur n’avait pas défini les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques.

Les observateurs, et notamment la Quadrature du Net, appellent donc les parlementaires à légiférer sur la question posée récemment au Conseil constitutionnel, tout en mettant en garde « députés et sénateurs [qui] auront à être très attentifs aux futures lois qui viendront répondre à cette censure partielle, et à oser donner un cadre protecteur aux mesures d’intrusion dans la vie privée »4. En effet, le principe d’une saisie de données informatiques n’est pas interdit, sous réserve que des garanties suffisantes soient apportées quant aux conditions dans lesquelles ces données seront notamment conservées et supprimées.


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