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Agora du FIC : La souveraineté numérique encore possible ?

juillet 2019 par Marc Jacob

Pour cette dernière session de l’Agora du FIC animé par le Général Marc Watin-Augouard la souveraineté numérique a été mise à l’honneur. Le Général Marc Watin-Augouard a rappelé que la souveraineté c’est la convergence de plusieurs souverainetés en autre comme celle de la 5G, de la norme, du Cloud avec en particulier le CloudAct, la souveraineté du juge, de la formation, de la fidélisation... et bien sûr les questions de cybersécurité sont au cœur de cette problématique. Ce sujet est donc très complexe. Ainsi, Franck Montaugé, président de la commission d’enquête parlementaire sur la Souveraineté numérique et Pierre Bellanger fondateur-président de Sky Rock ont animé cette conférence.

Franck Montaugé, le Général Marc Watin-Augouard et Pierre Bellanger

Franck Montaugé, Sénateur du Gers et Président de la Commission d’enquête parlementaire sur la souveraineté numérique qui a été constitué en avril pour rendre son rapport en octobre 2019, a en préambule a expliqué la différence entre mission d’information et commission d’enquête qui dépendent toutes deux de l’article 23 de la Constitution. La Commission d’enquête permet d’évaluer les actions du gouvernement en donnant des pouvoirs d’investigations, d’enquêtes et de convocations qui ne peuvent être refusées sous peine de sanction. En revanche es missions d’informations sont moins contraignantes tout en permettant de recueillir des informations. L’objectif est de faire évoluer les législations. Elles sont instituées à partir de résolution du parlement. La commission d’enquête souveraineté numérique a été demandée par les parlementaires LR. Gérard longuet est le rapporteur de cette commission, il oriente les recommandations du rapport. Pour ce rapport de très nombreuses auditions ont été réalisées. L’objectif de cette commission est de formaliser les champs fondamentaux de la souveraineté numérique et des moyens de la reconquérir soit par des politiques publiques ou des actions législatives. Avec la révolution numérique les paradigmes de la société sont remis en cause par la mise en place de nouveaux systèmes ou s’affrontent les individus, les entreprises et les États Nations. Pour la commission, il y a trois cercles : celui de l’identité numérique, le deuxième est celui des entreprises et des organisations au travers des données. Dans ce contexte, le rôle de l’état est de garantir et protéger les entreprises en particulier au travers de leur capital informationnel. Le troisième cercle est celui de la souveraineté des États.

Les principaux points abordés dans les conclusions de ce rapport sont :

 L’apparition d’un préalable de la reconquête de la souveraineté est la volonté politique
 Pour la protection et la localisation des données : il faut faire des données un objet souverain.
 Il faut une régulation ou une co-régulation avec les plateformes.
 Il faut défendre l’extraterritorialité des droits étrangers.
 Il faut se pencher sur les traitements des données dites non personnel
 Il faut faire de la CNIL une agence des données
 Les données doivent être protégées en Europe de façon plus ou moins fortement en fonction de leur criticité
 Il faut lutter contre l’accès public aux données de recherche
 La question des protocoles de chiffrement a été aussi abordée
 La question est posée sur la manière de conserver les chercheurs en France ou en Europe
 Les moyens d’accompagnement des entreprises en particulier pour les startups mais aussi sur les plus grandes entreprises qui sont fragilisées par la concurrence extra européenne.
 La question du logiciel libre et de la neutralité des systèmes est aussi abordée
 La question d’OS et des super-calculateurs et des ordinateurs quantiques sera aussi abordé
 La question de la 5G sera aussi traitée
 Les câbles sous-marins sont aussi un objet d’attention
 La problématique d’un démantèlement ou d’une régulation des plateformes est aussi abordée
 Le sujet du RGDP est pour le rapport un premier pas mais qui doit évoluer.
 La formation, l’éducation et la sensibilisation est aussi présent
 Enfin, la dimension éthique du numérique est aussi considérer. Il faudrait créer au sein du comité d’Ethique une commission dédiée au numérique.

Par contre le rapport note des écueils en particulier sur le démantèlement des plateformes, la création de géants du numérique européen soit très difficile à réaliser voire impossible, de même la fermeture des réseaux européens comme le fait la Russie semble aussi très difficile à réaliser. Enfin, il semble très compliquer de résoudre le problème de la monétisation des données.

Souveraineté numérique : il est encore temps d’agir !

Puis Pierre Bellanger a rappelé qu’il a été le premier auditionné par la commission d’enquête.

La mythologie féérique d’Internet avec son nuage, des business angels et ses licornes est une réalité talentueuse et entreprenante mais incomplète. Elle repose en fait sur une extraordinaire prise de conscience politique des États-Unis de la future économie de la connaissance, du rôle du réseau et d’une confluence des investissements et des recherches de l’armée et du renseignement qui ont abouti à créer un complexe militaro-numérique et une industrie du renseignement.

La vraie économie est celle de la donnée. S’y rejoignent les intérêts économiques, militaires et de sécurité nationale. En ne prenant pas en compte ces dimensions régaliennes nous ne pouvons pas réussir globalement sur Internet. Il y aura des exceptions mais le modèle sera impuissant. Les sommes investies sont à la taille des États et des enjeux de la surveillance de masse.

Quand à nous, nous nous sommes lamentés sur notre absence de courage et de vision et à la manière du lapin dans les phares, nous n’avons pas su appréhender la réalité du réseau, impossible à comprendre avec les catégories anciennes. Un parallèle peut être fait avec la mer. Le territoire est un lieu, la mer est un lien. Comment concevoir la souveraineté qui conjugue peuple, territoire, frontière et loi commune sur le réseau qui n’est pas un lieu mais un lien … Nous retrouvons d’ailleurs par cette analogie maritime du XVII et XVIII, la liberté des mers garantie par l’empire britannique, les compagnies des Indes, aujourd’hui incarnées par les « géants du Net » et tous les pirates et flibustiers possibles.

Nous avons tous migrés sur le réseau, tout y migre d’ailleurs sauf la République ! Nous y avons perdu la maîtrise de notre destin numérique, nous y avons perdu le secret. On nous fait croire que le secret est la première manifestation de la culpabilité, alors pourquoi y-a-t-il des isoloirs pour voter ? Le secret est constitutif de la démocratie comme de la construction de la personne humaine. Celui qui donne le sens à ce que je dis, ce n’est pas moi c’est celui qui écoute. Si je ne sais pas qui écoute, je ne peux plus rien dire. Et, il faut toujours le rappeler pas stratégie sans secret, pas d’économie sans secret. Nous sommes donc à terre.

Nous avons un retard politique pour comprendre l’enjeu capital du réseau. Ce n’est pas un enjeu sectoriel, c’est la société toute entière qui est convoquée. L’Internet ne vient pas s’ajouter au monde que nous connaissons il le remplace. C’est pourquoi le rôle de la Commission d’enquête du Sénat, présidée par Franck Montaugé, est capital. C’est cette Commission qui peut changer la donne.

Il faut une loi qui reconnaisse les données de nos citoyens comme formant un bien commun souverain. Objectif d’ailleurs de la Commission selon ce que vient d’exposer Franck Montaugé. Aujourd’hui, on parle de « données personnelles » que chacun consent à céder en contrepartie de services. Ainsi, notre capital numérique national s’enfuit. Mais une donnée personnelle qui ne renseigne que sur soi, cela n’existe pas. Un rendez-vous n’est pas une donnée personnelle et ainsi de suite … En fait, nos données renseignent sur autrui et réciproquement. Se forme ainsi un réseau de données qui est, en droit, une indivision. La loi qui instaurera ce nouvel objet juridique obligera à la localisation des données, des serveurs et des algorithmes. Le pillage des données qui nous saigne à blanc s’arrêtera.

Bien entendu, les données résidentes créant la richesse, c’est sur notre territoire que sera prélevé l’impôt. C’est sur ce socle que notre système juridique cessera de faire du droit sur pilotis, c’est-à-dire sans souveraineté et dépendant du bon vouloir d’une puissance étrangère. C’est aussi le socle de la démocratie et d’une économie numérique puissante qui dépasse le folklore des start-ups. C’est enfin la condition de la défense nationale.

Bien sûr, cette souveraineté s’articule avec les autres nations européennes par des traités. L’Europe est l’amplificateur de la souveraineté numérique de chacun de ses membres.


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