En citant Charles Goodhart "Toute chose normale aura tendance à s’effondrer si on lui applique la pression d’un système de contrôle", Pablo Picasso "Les ordinateurs ne servent à rien car ils ne vous donnent que des réponses”, ou encore l’astronaute Collins : « Nous sommes au sommet des 6 millions de pièces détachées fabriquées par le moins disant financièrement… », Ian Angell tend à nous montrer que le problème se situe dans la réalité de systèmes complexes : “Aucun résultat ne peut être prévu après une action, et on peut même avoir le résultat inverse de celui escompté ». Il cite en exemple cet agriculteur qui avait mis en gros dans son champ « les aviateurs puent » car il en avait assez que l’aviation anglaise survole en rase mottes son champ… Le résultat c’est qu’encore plus d’avions survolaient le champ car ils voulaient voir son panneau géant…. !

Puis vient une citation de Georges Pompidou : “Il y a trois manières de se ruiner : La première la plus plaisante avec les femmes, la deuxième la plus rapide avec le jeu, et la troisième la plus certaine… avec la technologie".

Pour finir sa démonstration, le professeur Angell explique la situation actuelle : “La bureaucratie est capable de traiter la normalité mais pas la singularité. Le fait de tout traduire en équations pour tout contrôler est un non sens ”.

Puis, arrive la clef de sa démonstration avec une vidéo faite par le laboratoire de Visual Cognition Laboratory University of Illinois http://viscog.beckman.uiuc.edu/grafs/demos/15.html. On y voit une équipe « blanche » qui se passe un ballon de basket et une équipe « noire » qui se passe également un ballon. L’idée est de compter le nombre de fois où les blancs ont réussi à se passer le ballon…

En fait, on a raté l’essentiel en comptant les passes. En revoyant le film et en se concentrant sur le centre de l’écran, on voit clairement ce que l’on n’a pas vu la première fois !

Global Security Mag : Professeur Angell, est-ce que cette vidéo est une illustration de ce qui s’est passé à la Société Générale ?

Ian Angell : Exactement ! Les systèmes de contrôle sont concentrés sur des comptages et des statistiques, permettant à chaque maillon de la chaîne de se « couvrir », mais personne ne voit la fraude au centre de l’écran, car le fait de compter plein de choses en périphérie vous empêche de voir au centre du système.

GS Mag : Quelle appréciation faites-vous de cette affaire ?

Ian Angell : Vue de Londres, de nombreux contacts dans le monde de la finance m’ont confié que des signaux d’alertes dès novembre 2007 leur indiquaient que quelque chose de « gros » se passait à la SOCGEN, mais ils se sont abstenus d’en profiter, car ils ont craint de devoir rembourser les gains suite à des poursuites légales si jamais ils « jouaient » contre les positions du trader français. Je compare le jeu en bourse au poker, et comme au poker si un joueur triche le jeu est fini… Je ne crois pas que ce trader agit seul, ou tout au moins sans un accord tacite de sa direction… En tous les cas, le fait qu’il pense avoir trouvé une martingale pour gagner à coup sûr en bourse démontre son extrême naïveté. En tant que mathématicien, je peux vous affirmer que le poker est avant tout une affaire de bluff, pas de statistiques ! Enfin, je pense que ce groupe de personnes a cru avoir la situation sous contrôle, ce qui a aggravé l’impact et la perte de temps.

Les « singes » européens sont voués à l’extinction... la Chine dominera économiquement

GS Mag : Que pensez-vous des « singes » émergeants, comme la Chine, l’Inde, pour reprendre votre expression sur les différents pays « de peuples de singes » ?

Ian Angell : Les « singes » européens sont voués à l’extinction. La Chine dominera économiquement. L’Union « soviétique » Européenne se désintégrera en 2028…

GS Mag : En 2028 ? Quelle précision ! Pourquoi traitez-vous l’Europe de « soviétique » ?!

Ian Angell : Parce que la bureaucratie européenne qui prétend tout contrôler va faire imploser notre système comme l’Union Soviétique en son temps, les USA vont couler ensuite.

Seule une attitude de gestion des incidents au fil de l’eau a du sens

GS Mag : Ce nihilisme « no future », comment l’inscrivez-vous dans une stratégie de sécurité ?

Ian Angell : Croire que des statistiques et des méthodes vont assurer la sécurité est un leurre : seule une attitude de gestion des incidents au fil de l’eau a du sens : pas de bureaucratie normalisatrice mais à la place une capacité à gérer la singularité des événements.

GS Mag : Merci professeur Angell, c’est rare de disposer d’une dimension philosophique dans notre métier souvent purement technologique.

Ian Angell : C’est justement votre point faible…