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Open source : de la clandestinité à la gouvernance au sein du SI

avril 2012 par Patrick Bénichou, Président d’Open Wide

La gouvernance de l’Open Source au sein du Système d’Information. Le terme, peut paraître surprenant ou un peu prétentieux en première approche. Mais recouvre-t-il réellement de nouveaux sujets de fonds, ou s’agit-il plus prosaïquement d’un nouvel habit du bien nommé schéma directeur ?

Patrick Bénichou, Président d’Open Wide

De la clandestinité à l’adoption de fait

Le libre accès à des logiciels sans passer par la case achat, esquivant ainsi tout circuit de validation hiérarchique ou budgétaire, a dès l’apparition des logiciels libres, bousculé les habitudes des entreprises. Pour la première fois on pouvait tester en grandeur réelle des technologies, déployer des outils d’infrastructures ou même adopter de nouvelles solutions applicatives. Officiellement souvent pour les tester, la force du provisoire qui marche faisant le reste.

Au départ l’Open Source a surtout concerné les logiciels d’Infrastructure, Linux en tête, avec dans son giron une myriade de solutions logicielles dédiées au monde de l’internet, du serveur web et de la sécurité. Souvent adoptés de facto par des ingénieurs systèmes et réseaux, ou par des administrateurs conquis par un monde ouvert et communautaire les entreprises ont toléré, par pragmatisme, cette arrivée clandestine avec en arrière pensée que l’usage de ces logiciels serait circonscrit au seul monde du web. Pas de quoi déstabiliser le schéma directeur ou remettre en cause la portée de ces applications stratégiques, telles que la gestion opérationnelle, commerciale ou financière de l’entreprise.

La place croissante d’Internet, les besoins de plus en plus cruciaux de sécurité et de disponibilité des serveurs ont néanmoins poussé les entreprises à normaliser l’adoption de Linux par le choix d’une distribution « référente », offrant un support et une maintenance professionnelle à la production. Lors de ce premier mouvement d’adoption massif d’un modèle open source pour les professionnels, Red Hat est sans conteste l’acteur qui a le mieux su tirer son épingle du jeu et ce dernier est à ce jour, et de loin, le tout premier acteur commercial de l’Open Source en matière de revenus ou de capitalisation. C’est sans doute grâce à ce premier succès que le modèle Open Source a pu conquérir sa crédibilité sur le marché.

Les logiciels libres ont ainsi fait preuve de leur fiabilité et de leur efficacité dans le monde Internet mais simultanément ils ont fait leur apparition de façon systémique dans tous les domaines. Que ce soit dans l’informatique industrielle, les logiciels embarqués, le monde de la gestion, des bases de données et plus récemment dans le monde de la mobilité avec Android et ses millions d’applications arrivées si vite sur nos Smartphones et nos tablettes. Paradoxalement le plus grand échec de l’Open Source semble être le poste de travail, pour lequel, malgré les progrès ergonomiques, son adoption reste finalement assez marginale en entreprise et dans le grand public.

A la recherche de nouveaux modèles économiques

Le foisonnement des logiciels libres, n’a pas manqué de déclencher une vague d’évolution des modèles économiques au sein des offreurs de produits mais aussi des offres de services.
Du côté des offres de services les toutes jeunes SSLL (Sociétés de Services en Logiciels Libres) ont innové sur des modèles de valeur ajoutée dans lesquels l’appartenance à l’écosystème Open Source devient clé, facteur de savoir et de maîtrise de la technologie. Ils ont ainsi été amenés à intégrer la veille technologique, l’innovation, l’architecture logicielle et la contribution communautaire comme des facteurs clé de différenciation au-delà des compétences techniques.

Du côté des éditeurs, les changements sont également profonds. Ces derniers ont du intégrer l’Open Source au cœur de leur stratégie produit, soit afin d’optimiser leurs efforts de R&D en se concentrant sur le cœur de leur valeur ajoutée, soit afin de doper leur visibilité via une stratégie de distribution plus ouverte et mondiale. Au plan commercial, le point le plus visible reste sans doute le glissement progressif des modèles basés sur la cession d’un droit d’usage à vers une offre de support et d’accompagnement annuelle.

En parallèle dans les entreprises, les motivations d’adoption des logiciels libres se sont rapidement transformées. Le fantasme du tout gratuit n’aura finalement pas fait long feu, et cela a paradoxalement donné plus de crédit au mouvement Open Source dont l’une des suspicions portait sur la viabilité d’un modèle tout gratuit.

Aujourd’hui les entreprises adoptent prioritairement les logiciels libres par souhait de standardisation et d’ouverture (seuls gages d’agilité et de pérennité des investissements), par souhait d’indépendance (ou de contrepoids à leurs grands fournisseurs), puis bien sûr par souhait de gagner du temps et de l’argent en adoptant des solutions éprouvées et largement partagées.

Cette adaptation des métiers et des modèles économiques, ainsi que l’évolution des mentalités à l’égard des logiciels libres, aura pris environ 10 ans, ce qui est somme toute rapide. Toutefois le taux de pénétration de l’Open Source reste faible en valeur absolue (moins de 10 %). La phase de déploiement ne fait donc que commencer et le potentiel est énorme.
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Vers une gouvernance de l’Open Source au sein du SI ?

Alors que les logiciels libres ont démontré leur viabilité et acquis leurs lettres de noblesses, pourquoi l’entreprise à la veille d’une adoption plus massive devrait-elle mettre en place une gouvernance spécifique ?

La première réponse qui vient à l’esprit découle de la nature juridique des logiciels libres. Car derrière la liberté d’accès au code source se cache de véritables licences juridiques qu’il convient de connaître et de respecter. Les entreprises les plus concernées par la question sont celles qui intègrent des logiciels libres au sein de leurs produits. Cela concerne bien sûr les éditeurs, mais également les constructeurs d’équipement multimédia, ou les opérateurs télécom par exemple friands de leur utilisation. Le sujet est plus trivial pour les entreprises simples utilisatrices de logiciels libres mais il existe néanmoins. Dans les deux cas, il faut veiller à respecter les règles liées aux licences utilisées ou mieux encore définir une véritable politique d’utilisation des logiciels libres autorisant tels types de licences pour tels usages, ou en associant à certaines licences certaines contraintes permettant de rester en conformité juridique.

Etroitement liée à la gestion des licences, l’entreprise va devoir s’interroger sur son lien avec l’écosystème Open Source et sa politique de contribution. Respecte t’elle les contraintes de redistribution des licences dites « copyleft ». Veut-elle s’impliquer elle-même au sein des communautés produisant les technologies ? Veut-elle au contraire déléguer les travaux de veille et de contribution à ses prestataires ou aux éditeurs qu’elle aura retenus ? Les réponses à ces questions dépendent étroitement du domaine d’utilisation des logiciels libres, de leur enjeu stratégique en terme de contrôle ou de maintien interne de compétences par rapport à une stratégie produit, métier ou commerciale. Le sujet est notamment clé pour les entreprises qui intègrent des logiciels libres au cœur de leurs produits ou de leurs offres au sens large.

Pour les entreprises simples utilisatrices de logiciels libres, la question centrale sera celle de la pérennité et de la continuité de service, autrement dit de la qualité professionnelle des engagements liés au support et à la maintenance. Là encore l’entreprise va devoir définir sa politique en la matière, qui pourra osciller de la maîtrise interne complète à l’externalisation totale du support. L’inflation sur la diversité des composants utilisés va immanquablement poser des questions. Lorsqu’une entreprise utilise par exemple un environnement J2EE pour développer ses applications métier elle a de grandes chances d’utiliser plus de 100 composants Open Sources distincts, depuis les outils de développement, en passant par les framework, l’accès aux bases de données (ou les bases de données elles même), les outils de tests et d’intégration continue, de déploiement… Quid de la maintenance de ces composants et de la stabilité du socle applicatif ainsi composé ?

Doit-on maintenir soit même un socle homogène et à jour des dernière évolutions technologiques ? Faut-il s’en remettre aux prestataires qui développent les applications et qui proposent leurs propres maintenances au risque de se retrouver avec de nombreuses générations de technologies hétérogènes à maintenir dans le temps ? De plus, ces derniers se sentiront-ils concernés par la pérennité des composants de bas niveau et des outils qui sous-tendent l’application à maintenir ? Faut-il mettre en œuvre un contrat général de support de briques Open Source parfaitement transverses aux projets les utilisant ? Ou faut-il au contraire externaliser définitivement le sujet en adoptant l’utilisation du Cloud et de sa couche PAAS (Plateforme As A service) ?

On voit sur cet exemple banal du développement d’applications Java que la question est loin d’être anodine et qu’elle impose à l’entreprise de choisir un cap et une politique d’organisation technologique et humaine de ses développements.

Au-delà des orientations technologiques, on commence ainsi à toucher du doigt que l’adoption de l’Open Source par l’entreprise va également avoir des répercutions importantes au niveau des ressources humaines et de l’organisation du travail en entreprise. Le logiciel libre a bousculé, pour ne pas dire repensé, la façon de produire du logiciel. Au delà des langages techniques, cette révolution engendre de nouvelles méthodes de production collaboratives, de nouveaux métiers (celui d’architecte notamment prend une nouvelle dimension), et une nouvelle façon de se partager les tâches.
En rendant notamment productif le travail distant par des méthodes et des outils collaboratifs nouveaux, le logiciel libre contribue fortement à rendre crédible le télétravail ou la délocalisation.
Sur le sujet, comme sur celui du recrutement ou de la formation, le logiciel libre apporte son lot de nouveautés auxquelles l’entreprise va devoir répondre en définissant ses propres règles du jeu.

Les logiciels libres sont à la veille d’un déploiement massif au sein des entreprises, mais aussi au cœur des produits et services de demain tous domaines confondus.

La facilité d’accès aux logiciels libres, leur entrée souvent incognito dans l’entreprise, ainsi que leur fiabilité faussent la perception des changements qu’ils induisent. Pourtant les changements sont profonds, et touchent des domaines très variés (juridique, fonctionnement en écosystème, ressources humaines, organisation du travail et de la fabrication de logiciels, compétences, stratégie R&D, etc).

La variété et la nature des sujets abordés méritent amplement que l’entreprise s’y attarde un moment afin de définir, sur les volets qui lui sont chers, sa propre gouvernance à moyen terme. De quoi donner un peu plus de transversalité au schéma directeur dont les frontières n’ont pas fini de déborder sur les autres domaines fonctionnels de l’entreprise. Mais est-ce surprenant au fond ?


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