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Mort numérique : Autopsie d’un cheminement parlementaire

janvier 2016 par Benjamin Rosoor, co-fondateur de Transmitio

Le vote solennel de la Loi Numérique initiée par Axelle Lemaire s’est déroulé aujourd’hui. Dans cette loi, il y a l’article 32 qui a pour objet de donner un cadre à "la mort numérique".

Il s’agit de la gestion des données d’une personne après sa mort : comptes réseaux sociaux, documents, accès aux services dans le cloud, etc. Avant cette loi, il n’y avait pas de cadre juridique et donc on devait s’en remettre au bon vouloir des éditeurs de services pour faire supprimer un compte ou récupérer les données hébergées.

Quand nous avons décidé de créer Transmitio.com pour assurer la transmission des données numériques en cas de décès, nous avons constaté assez rapidement qu’il n’y avait pas ou peu de matière juridique opposable sur ce sujet. Quand vous créez une Start-up c’est plutôt une bonne nouvelle (si si) puisque vous allez pouvoir vous lancer "à la barbare" sans barrière ou risque juridique. Mais nous savions aussi que le sujet serait rapidement préempté par le législateur puisqu’il touche au plus près les citoyens : comptes sur les réseaux sociaux en déshérence, sommes bloquées sur des sites de paiement et surtout activité d’entreprises mise en danger parce que des données clés sont inaccessibles.

Etape 1 : l’annonce du projet de loi ! #plNUM

Comme nous étions sur le sujet depuis plusieurs mois, avec notamment l’avocat qui nous a produit une étude sur "l’état de l’Art", nous avions quelques convictions fortes :

Les héritiers ne pouvaient pas être les bénéficiaires automatiques des comptes et services du défunt. En effet, les données numériques sont personnelles, elles peuvent concerner de nombreuses personnes : collaborateurs, avocats, amis, amant, maîtresse, etc. et donc on ne peut pas appliquer les règles de la succession patrimoniale.

Il fallait notamment prendre en compte les services numériques souscrits par la personne physique pour le compte d’une personne morale : son entreprise, son client ou son employeur.
On devait exclure les éditeurs de la décision de fermeture, transmission ou conservation. Cela devait être un choix de l’utilisateur…de son vivant.

Axelle Lemaire décide d’ouvrir le débat au public avant la rédaction définitive du projet de loi. Des milliers de contributions dont les nôtres sont produites sur une plateforme participative. Une belle réussite. Dans la communauté du numérique on s’extasie devant l’initiative de la Ministre. (Et nous aussi). Et puis quelques heures avant la fermeture de la plateforme survient un phénomène auquel nous ne nous attendions pas.

Les "Institutions", les grandes organisation professionnelles publient de longues contributions. En choisissant le moment (le dernier) pour qu’il n’y ait pas de possibilité d’intervenir, d’argumenter, de compléter. L’ancien monde a bel et bien "hacké" le nouveau ce jour là !

Sur notre sujet, ce sont les notaires via leur Conseil National qui publient une contribution pour que la transmission en cas de mort numérique se calque sur l’existant : les notaires assurent la gestion de la succession vers les héritiers et ils gèrent aussi un fichier avec toutes les directives.

ARG ! Nous les barbares, nous étions en train de nous faire défoncer par l’armée conventionnelle. A l’ancienne.

Etape 2. De la communication pour faire passer notre vision.

Quand vous n’avez pas d’institution, d’organisation avec vous comment faire pour vous faire entendre ? La machine parlementaire est en route. La Ministre souhaite que sa loi soit votée avant le mois de février. Il va donc y avoir une rédaction du projet de loi puis un examen du Conseil d’Etat en un temps très court. Nous devons intervenir avant la rédaction.

Nous avons mené un double travail :

Tout d’abord des relations presse intensives en profitant d’un temps d’actualité sur la mort : la Toussaint.
Puis un travail auprès de nos parlementaires (ceux de notre région ou ceux qui avaient posé des questions sur la mort numérique), du Cabinet de la Ministre, de la CNIL.
Bonne nouvelle, il existe de nombreuses personnes qui considèrent qu’elles sont au service du citoyen. Elles écoutent et répondent.

Victoire ! Le projet de loi intègre la notion de choix du destinataire de ses directives numériques, de services certifiés pour les héberger et surtout précise : "à défaut, les héritiers reçoivent les données". Le conseil d’Etat valide.

Etape 3. Le travail parlementaire ou la peur du retour des vieux lobbies.

Qui dit projet de loi dit amendements ! Et les amendements c’est le bon moyen pour un groupe de pression mécontent d’une loi de la modifier. 1er niveau, la commission des lois : elle étudie les amendements, les rejette, les corrige, les accepte. La Ministre est présente pour défendre sa loi. La personne importante c’est le rapporteur, en général, la commission suit son avis. On a de la chance, il a bon esprit.

L’article 32 sort de "cette lessiveuse" sans modification majeure en ce qui nous concerne, un député tient absolument à décrire l’ordre héréditaire, après le "à défaut", on sent le souffle des notaires…

Deuxième niveau, en assemblée. Une fois de plus des amendements rejetés par la commission peuvent être à nouveau présentés puisque l’Assemblée est souveraine. En fin de soirée, la loi est votée, l’article 32 est nickel !

Il reste maintenant à attendre la navette parlementaire et un décret d’application produit par la CNIL, dans quelques mois.

Et surtout de conseiller aux gens de donner leurs directives pour la protection et transmission de leur capital numérique parce que maintenant "à défaut", les comptes seront récupérés par les héritiers.


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