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La géolocalisation dans la ville connectée

juillet 2014 par Stéphane Schmoll, Directeur général de Deveryware

Smart city = big brother ?

La ville numérique fourmille déjà de capteurs, de réseaux et d’interfaces de communication désormais combinables en services fonctionnant partout, même dans les magasins, les bâtiments ou dans le métro.
Les capteurs englobent les terminaux embarqués ou portatifs, notamment les smartphones, qui mesurent position, accélération, usages préférentiels, et tout ce que l’on peut en déduire par analyse logicielle ; ils incluent également les caméras de vidéoprotection, et même des capteurs environnementaux de tous types. Demain, la prolifération des objets communicants - montres, lunettes, vêtements... - encore démultiplier les sources de localisation des personnes, puisque la plupart d’entre nous en porteront près d’une dizaine d’ici quelques années, sans oublier les iBeacons, dernier avatar de l’internet dilué dans nos vies quotidiennes.

Les titres de paiement, de transport, et la vidéoprotection permettent de nous localiser, même si c’est pour l’instant dans le but de nous protéger des agressions ou des fraudes.

Par ailleurs, les réseaux de communication s’empilent : GSM, WiFi, et bientôt autres liaisons propres aux véhicules, qui permettront de multiples échanges entre véhicules et infrastructures pour faciliter la circulation, la sécurité, la transmission de contenus et la gestion de multiples services.

Mais quels services, au fait ?

Une prolifération de services

Les services offerts aux usagers de la ville, habitants et visiteurs, s’enrichissent sans cesse et on peut en espérer le meilleur : amélioration de la sécurité routière, fluidité de la circulation (feux rouges et guidage intelligent), optimisation des stationnements et mutualisations de vecteurs de transport, péages virtuels circonstanciels, et pourquoi pas, une maîtrise de la pollution gazeuse ou sonore.
Le covoiturage, les vélos ou autos en libre-service, les taxis à la demande, l’optimisation des trajets en transport collectif, entrent progressivement dans notre réalité et font presque l’unanimité.

De fait, la plupart des applications de nos smartphones composent leurs services avec notre localisation, et déjà apparaissent des publicités contextuelles plus ou moins ciblées.

On explique au grand public qu’il va pouvoir optimiser davantage ses trajets multi-modaux, retrouver sa voiture dans un parking souterrain, être prévenu quand ses enfants sont (ou ne sont pas) rentrés de l’école ou arrivés à la piscine, trouver ce qu’il cherche dans un supermarché ou retrouver quelqu’un dans un centre commercial, une gare ou tout autre lieu public ou privé. Le lien entre les autorités municipales et les citoyens va également être renforcé, avec des applications de sécurité civile, de signalement citoyen, d’aide aux commerçants, à la culture, aux loisirs, etc.

Dans le domaine professionnel, les attraits de la ville numérique intelligente sont considérables. Ainsi, des programmes de recherche étudient la mutualisation du transport et de la distribution de marchandises en milieu urbain pour réduire les émission de CO2, en optimisant le taux d’utilisation de tout type de vecteurs (camionnettes, péniches, tramways,…) de jour comme de nuit, en fonction des lieux de stockage, de transbordement, l’info-trafic, la météo, l’offre et la demande,… Ces projets ne sont pas utopiques mais nécessitent des systèmes et logiciels interopérables très sophistiqués, et surtout une volonté politique en relai d’une prise de conscience citoyenne globale et peut-être d’incitations fiscales.

Entre les capteurs et les services, nous sommes donc à la fois émetteurs de notre localisation, trop souvent sans se souvenir que nous y avons vaguement consenti, et récepteurs d’informations plus ou moins utiles, plus ou moins désirées, plus ou moins intrusives.

Faut-il s’en inquiéter ?

Lorsque les échanges de données sont anonymisés, personne n’y voit malice puisqu’il ne s’agit que d’échanges entre machines.

Pourtant, nous avons des comptes, des identifiants qui peuvent permettre de reconstituer une multitude de détails sur nos vies, nos habitudes, nos préférences, nos comportements… La géolocalisation, encore utilisée essentiellement pour des applications simples ou futiles, va devenir de plus en plus « intelligente » et créer de la valeur en fournissant des données utiles au bon moment, au bon endroit.
La publicité intrusive va même se transformer en information choisie et ciblée, inversant ainsi la chaîne de valeur, en remettant l’individu au centre de la technologie. Les modèles économiques évoluent également, avec une prépondérance du financement par la publicité qui fausse la perception de vraie valeur, d’autant qu’il n’existe pas encore d’évaluation objective des services basés sur la localisation sur la base des qualités et contributions effectives pour les utilisateurs.

Ceux qui fréquent les villes ou y habitent ont le privilège de baigner dans un océan de commerces, de lieux cultures, d’innombrables opportunités, et de dangers, aussi. Encore faut-il que soit porté à leur connaissance ce qui les intéresse. Et que cela puisse contribuer à abaisser le niveau de stress inhérent à la ville, avec les aléas de transport, d’horaires, de la vie scolaire, de pollution et d’autres menaces, mais sans compromettre sur les libertés individuelles.

Des études révèlent que l’explosion du nombre de capteurs et de services basés sur nos localisations (LBS = location-based services) construit une industrie de plus de plus de 2 milliards d’euros pour la seule Europe, qui dépassera les 5 milliards en 2017, une partie de ces services n’ayant pas encore été inventés. Faute de protections sérieuses, cela pourra immanquablement aboutir à des torrents d’informations et de propositions non sollicitées. Si le rapport entre la quantité et la qualité est favorable, les geeks y trouveront leur compte. Les machines, gavées de données nous concernant, de mémoire et de puissance de calcul, pourront aisément analyser et connaître presque tout de notre vie. Mais on peut espérer qu’aucune machine de pourra jamais prédire et prendre en compte nos humeurs, nos soucis, nos joies pour s’adapter à nos besoins instantanés. Sans doute se contenteront-elles de nos inonder de propositions, jusqu’à la nausée, dont la plupart resteront inappropriées car la machine ne saura pas capter notre part d’impulsivité ou nos aléas.

Faut-il pour autant rejeter le progrès ? Certes pas, car ce foisonnement de technologies peur souvent aider à trouver ce que l’on recherche : biens et services, transports, culture, découvertes voire même rencontres, apportant ainsi une réponse à ceux qui ont soif de satisfactions rapides... et en ont les moyens.

Les plus faibles comme les plus forts se feront traire et deviendront esclaves de ces offres non nécessaire jadis ou ailleurs, là où l’homme a des besoins plus fondamentaux, des vies plus simples, plus libres et tout aussi enrichissantes.

Mais on ne peut durablement faire le bonheur ni le malheur des gens contre leur volonté.

Quand l’Europe s’éveillera

On ne peut laisser ce futur se développer qu’à condition que le citoyen puisse comprendre et connaître l’utilisation faite de ses données personnelles, et qu’il en garde le contrôle. Pouvoir donner et reprendre à tout moment une autorisation de recueil d’information, de conservation et de traitement des données, notamment pour faciliter le « droit à l’oubli » enfin prôné par le projet de règlement sur la protection des données personnelles, voté par le parlement européen le 12 mars dernier.

Ce règlement s’imposera aussi aux fournisseurs de services nord-américains : Google, Apple, Twitter, Facebook, Amazon et les autres. Mais d’ici-là, ils vont continuer à mettre nos habitudes en fichiers pour les exploiter au maximum, conformément à ce que leur droit et leurs pratiques permettent, sans trop se préoccuper de nos libertés. Et leurs agences gouvernementales, même si elles s’en défendent, continuerons d’espionner nos vies personnelles et professionnelles, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, et dans certains cas pour le plus grand bien de leurs entreprises, pas des nôtres.

La France, qui s’est dotée dès 1978 d’une Commission Nationale Informatiques & Libertés, prépare la riposte, et en fera également profiter l’Europe... et pourquoi pas les autres.

C’est au pays des Lumières que s’est développé un des meilleurs génies industriels du monde, avec la capacité à concevoir des systèmes complexes respectueux des libertés, en bonne coopération entre les secteurs privé et public. La ville constitue un véritable défi, avec des enjeux aussi considérables que celui du Grand Paris.

En France et en Europe, l’utilisation systématique de la géolocalisation exigera donc que soient remplies des conditions précises :
• permettre à chacun de décider par qui ou pour quel usage il accepte d’être localisé, qu’il s’agisse d’être localisé par d’autres personnes ou par des ordinateurs, et de modifier ce consentement facilement et à tout moment ;
• permettre de vérifier qui vous a récemment localisé, ne serait-ce que pour vérifier que ses réglages sont bien pris en compte ;

et si possible :
• permettre également de décider à quels moments de la semaine ou de la journée, et dans quelles zones on veut bien être localisé, avec possibilité de régler ces conditions pour chaque personne ou du service susceptible de vous localiser ;
• permettre, lorsqu’une position décamétrique n’est pas indispensable, de dégrader la précision de sa localisation, par exemple au niveau du quartier, de la ville ou du département.
• fonctionner depuis et avec n’importe quel type de smartphone, PC ou Mac, voire même des téléphones portables ordinaires ;
• permettre de localiser un individu consentant ou un groupe de personnes ;
• pouvoir s’identifier à partir de n’importe quelle adresse mél, sans nécessiter l’inscription sur un système propriétaire tel que ceux de Apple ou Google ;
• proposer un jeu d’alertes automatiques de proximité d’un tiers ou de son départ ou arrivée en un lieu donné ;
• être faciles à utiliser intuitivement sans habiletés particulières.

On attend donc avec impatience cette nouvelle génération d’applications permettant de nouveaux usages utiles, mais dotées de tous les mécanismes de protection des libertés, de confiance, et donc hébergées et contrôlables sur le sol européen, si ce n’est national.

Les coopérations nationales et européennes vont enfin pouvoir apporter des solutions conciliant les apports du progrès avec le respect de l’homme, connecté à la ville et au monde.


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