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Données des consommateurs : Jusqu’où ira l’OPA hostile ?

mai 2017 par David Godest, président et fondateur de Dolmen

A chaque semaine, son attaque contre les données privées. Fin mars, la chambre des représentants des Etats-Unis adoptait un projet de loi annulant un ensemble de protections de la vie privée des consommateurs américains. Pour faire simple, le Congrès a autorisé les Fournisseurs d’Accès Internet à commercialiser les données de leurs clients. Désormais, grâce à l’abrogation des règles de vie privée en ligne, Comcast, ATT et les autres peuvent exploiter les informations relatives à l’activité de leurs clients sur le Web. Notamment pour les revendre à des partenaires commerciaux, des annonceurs, ou les utiliser eux-mêmes.

Fin avril, c’est Google qui annonçait le lancement d’une cohorte auprès de 10 000 personnes. Une vaste opération de recherche épidémiologique que d’aucuns considèrent comme le faux nez d’une opération de captation de données à des fins commerciales. D’ailleurs Verily, la filiale de Google en charge de l’étude, reconnaissait que la masse de données collectées sera accessible pour les sociétés pharmaceutiques. De façon anonyme certes. Mais accessibles. Si la récupération de ces données fait le bonheur des laboratoires et annonceurs, peut-on en dire autant des consommateurs ? Face à la diversité des positions concernant la gestion des données personnelles, un nouveau modèle de leur utilisation apparaît nécessaire.

Critique de la prospection contemporaine et refus de partager ses données personnelles

Aujourd’hui, les sollicitations commerciales en ligne peinent à convaincre les consommateurs. Une étude récente indiquait que 8 Français sur 10 n’ont jamais réalisé d’achat après avoir vu une publicité en ligne. Face à ces nouvelles formes de prospection, ils vont même jusqu’à en regretter les modes plus anciens que sont le bouche-à-oreille et le prospectus.

Pour expliquer cette nostalgie pour le traditionnel à l’ère du digital, les Français mettent en cause le manque de pertinence et l’aspect intrusif. Pour Tanguy Aubé, chef de file du mouvement antipub en France, le terme « fatigue » est celui qui décrit le mieux le sentiment des consommateurs.

On aurait pu penser que le désamour des Français trouverait une solution dans un meilleur ciblage de leurs besoins permettant de leur proposer des offres adaptées. Or, à l’heure où un site sur cinq collecte des données privées, seuls 28% des consommateurs de l’Hexagone acceptent que les marques les utilisent.
Une spécificité française ? Loin de là. Réputés pourtant plus libéraux dans la gestion de leurs données, les américains aussi se montrent frileux quand il s’agit de partager leurs informations. Une étude menée en 2015 par l’Université de Pennsylvanie auprès d’un panel de 1 500 personnes indiquait que les consommateurs américains ne considèrent pas l’échange de leurs données contre un service gratuit comme « un compromis gagnant-gagnant ». Et que dire de la campagne de crowdfunding lancée pour protester contre la décision du 28 mars dernier et qui a récolté environ 60 000 € en une journée ?

A l’évidence, les positions semblent inconciliables : les uns ont besoin de données pour personnaliser leurs messages et leurs services – quitte à déclencher de véritables OPA hostiles – tandis que les autres réclament effectivement des promotions personnalisées tout en freinant des quatre fers quand il s’agit de partager leurs informations. Bref, la quadrature du cercle.

L’éthique pour sortir de l’impasse

La CNIL avec le General Data Protection Regulation (GDPR) s’est donnée pour objectif de sortir de l’impasse. Décidé en décembre 2015 et mis en application en mai 2018, ce nouveau règlement, érigé en « priorité absolue pour 2017 », concerne toutes les entreprises gérant des données de citoyens européens. Elle oblige les entreprises à obtenir le consentement clairement exprimé de ces derniers en ce qui concerne la récolte et l’usage de leurs données personnelles. Cette mesure sert l’exploitation de celles-ci à des fins approuvées par le consommateur et constitue donc un enjeu à saisir au plus vite pour les entreprises. Il s’agit d’une gestion éthique des données qui replace les citoyens-consommateurs au centre.
Néanmoins, si cette loi est porteuse des meilleurs espoirs dans la mesure où elle permet au grand public européen d’avoir le choix d’accorder ou non sa confiance aux acteurs du web, elle ne prémunit pas le citoyen contre un retour en arrière comme cela est actuellement le cas aux Etats-Unis. D’autant plus qu’il s’agit d’un règlement européen qui pourrait, pour cette raison, être critiqué par les détracteurs de l’Union européenne. Sur le long terme, la contrainte légale s’avère donc insuffisante et un nouveau paradigme nécessaire.

Il s’agit dès lors de réorienter la collecte de données. L’objectif n’est plus le big data, la quantité, mais le small/smart data, c’est-à-dire la gestion éthique de quelques données pour répondre précisément aux attentes des consommateurs. Pour cela, il est essentiel de penser local. Comme l’expliquait Emmanuel Faber, directeur général de Danone, « le monde est en train de se fragmenter. Le consommateur va de plus en plus raisonner local ». D’ailleurs les Français ne disent pas autre chose : 68% d’entre eux s’estiment plus réceptifs à une communication locale, selon une récente étude menée par l’institut Opinion Way. Et toujours d’après la même enquête, 35% des Français seraient prêts à donner leur numéro de portable à leurs commerçants locaux pour recevoir des sms personnalisés. Penser local pour répondre au problème mondial de la gestion des données : voilà sans doute le fameux paradigme qui conciliera enfin les positions antagonistes !


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