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Brain hacking : la neurosécurité sera-t-elle demain le premier des Droits de l’Homme ?

octobre 2014 par Emmanuelle Lamandé

Avec la montée en puissance des neurotechnologies et l’automatisation annoncée des tâches intellectuelles, l’être humain va intégrer de plus en plus de technologies à son organisme. Quels sont les enjeux éthiques, politiques et moraux qui se posent dans cet environnement où notre cerveau va devenir un outil piratable ? En quoi la biotechnologie va-t-elle bouleverser l’humanité ? Le neurobiologiste Laurent Alexandre* nous livre quelques éléments de réponse à l’occasion des Assises de la Sécurité.

La génomique et les thérapies géniques, les cellules souches, la nanomédecine, les nanotechnologies réparatrices, l’hybridation entre l’homme et la machine sont autant de technologies qui vont bouleverser en quelques générations tous nos rapports au monde. La question est aujourd’hui de savoir si le corps humain peut devenir piratable à cause des technologies et de quelles manières.

Le cerveau deviendra demain le cœur du métier des RSSI

« Nous sommes actuellement dans le siècle du neurobusiness et du neurobricolage », explique-t-il. « L’informatique et les neurosciences sont en train de converger. A terme, il n’existera d’ailleurs plus de différence entre Intelligence Artificielle et Intelligence Biologique ». C’est pourquoi le cerveau deviendra, selon lui, demain le cœur du métier des RSSI.

Notre identité est fondée sur notre cerveau. En fait, nous sommes notre cerveau. Les objets connectés et autres prothèses en tout genre qui se développent massivement aujourd’hui deviennent des assistants de notre corps et de notre cerveau, et en rendront l’accès plus facile.

Cependant, le neurohacking légal existe déjà, constate-t-il. Pour lui, l’éducation, c’est déjà du hacking, car elle nécessite la création de nouveaux neurones et de nouvelles synapses. La nouveauté réside dans le passage d’un hacking du cerveau artisanal à un hacking ayant recours à ce qu’il appelle les NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives). ADN, Big Data, nanotechnologies, neurones, traces laissées sur Internet… seront autant d’outils permettant de procéder au « brain hacking ».

En effet, le hacking cérébral a deux composantes : la lecture et l’écriture. Pour lire dans votre cerveau, on va se servir de votre séquençage ADN (qui permet de connaître vos patterns psychologiques et donc de mieux vous manipuler), mais aussi des enregistrements cérébraux, traces Web, MOOCs, mouvements des yeux, prothèses, dossiers médicaux… Pour ce faire, la puissance informatique s’avère toutefois fondamentale et devra donc être suffisante.

De multiples projets de recherche, dont certains sont déjà opérationnels, s’articulent autour de ces thématiques. On peut citer, par exemple, le « Human Brain Project » en Europe ou « Brain Initiative » aux USA. Mais les acteurs les plus en avance en la matière sont comme toujours, en termes de technologies, les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). Il mentionne, en ce sens, Calico, la société de biotechnologies fondée par Google, qui souhaite allonger notre espérance de vie et « tuer la mort », ou encore Facebook Gaydar, qui peut déterminer mieux que vous même si vous êtes homosexuel ou non. Pour lui, Google est incontestablement le leader mondial de la neurotechnologie et de la robotique. A ses yeux, le géant sera capable demain de modifier nos souvenirs et nous connaîtra mieux que nous nous connaissons nous-mêmes.

Le clivage se fera entre neurorévolutionnaires et neuroconservateurs

Sans attendre d’en arriver là, cette connaissance précise des individus soulève bien entendu dès à présent un certain nombre de problématiques en termes d’éthique, de sécurité et de respect de la vie privée :

Le cerveau ne sera-t-il pas directement au cœur des techniques d’espionnage de demain ? La NSA ne cherchera-t-elle pas à implanter une backdoor directement dans notre cerveau ?

L’intimité en 2014, avec la « Génération Y » notamment, est bien loin, quant à elle, de celle des années 80. De quoi donner des sueurs froides à la CNIL… D’ailleurs, la neurotransparence ne sera peut-être pas vécue comme offensante pour la jeune génération…

Ne risque-t-on pas non plus d’assister au retour de l’eugénisme, version 2.0 ? Jusqu’à présent, on était capable de détecter les bébés atteints de Trisomie 21, demain on sera en mesure de détecter la totalité du génome de l’enfant. Les risques de dérive sont nombreux à ce niveau-là.

Le hacking ultime reposera sur la transformation de la façon dont nous procréons. Qu’adviendra-t-il quand nous serons capable de cloner un cerveau et de le mettre dans une puce ?

Nous sommes à l’aube de vivre une véritable neurorévolution, qui devrait, selon lui, fondamentalement changer notre société dans les décennies à venir. Pour Laurent Alexandre, la neurosécurité va devenir le premier des Droits de l’Homme. Ce qui représente en soi une bonne nouvelle pour les responsables sécurité… Le clivage ne se fera plus entre le cerveau droit et le cerveau gauche, mais entre les neurorévolutionnaires et ceux qui y sont opposés. Le 21ème siècle sera donc celui du neurobusiness, issu de la fusion de l’IT et des neurotechnologies. Nous n’en sommes heureusement pas encore là, mais de nombreuses questions devront toutefois trouver réponse si nous ne voulons pas que le futur devienne encore plus cauchemardesque que le présent.


* Laurent Alexandre est chirurgien-urologue et neurobiologiste. Il dirige aujourd’hui l’entreprise DNAVision, spécialisée dans le décryptage du génome, et est l’auteur de plusieurs livres, dont « La mort de la mort ».


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