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AFCDP : on n’a pas de pétrole mais on a… des données personnelles ?

février 2014 par Emmanuelle Lamandé

Les données personnelles et leur exploitation sont aujourd’hui au cœur de nombreux enjeux économiques et représentent d’ailleurs un formidable relais de croissance. Perçues comme l’avenir du pétrole et érigées régulièrement au rang d’or numérique, nous sommes tous en droit, en tant que propriétaires de ces données, de se demander ce qu’il en advient et de comprendre sur quoi repose la véritable valeur de ce nouvel eldorado. L’AFCDP ouvre le débat à l’occasion de la 8ème édition de son Université.

Pas une semaine ne passe aujourd’hui sans qu’un dossier spécial titre sur « les données, pétrole du XXIème siècle », constate Fabrice Rochelandet, Professeur à l’Université Paris 3. Le volume exponentiel du nombre de données, mais aussi d’outils de collecte, leur vaut également la métaphore récurrente d’or numérique. La question au fond est de savoir comment transformer ce pétrole en or ? De nombreux fantasmes entourent cette masse de données à caractère personnel. Mais quelles exploitations et quels services se cachent véritablement derrière tout cela ? Il est important de comprendre ces systèmes d’exploitation, ce que deviennent nos données et la façon dont elles sont exploitées. Comment transforme-t-on ces données en valeur ? De quelle manière cette exploitation doit-elle être encadrée ? Quel équilibre convient le mieux pour ne pas tomber dans l’excès (le laisser faire ou la régulation extrême) ?

L’objectif est donc de comprendre comment les entreprises gagnent de l’argent sur ces données à caractère personnel, mais aussi comment les individus peuvent en bénéficier. Au niveau macro-économique, en quoi ces données peuvent-elles être un relais de croissance ?

R&D, marketing personnalisé, automatisation des processus… les cas d’usages de ces données sont multiples

L’exploitation des données et le Big Data sont des phénomènes économiques très importants, constate Christian Reimsbach-Kounatze, Coordinateur du projet « Data and Analytics », OCDE. On observe une croissance importante de l’utilisation des données à caractère personnel et des investissements croissants des entreprises dans les logiciels de Data Analytics. Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce phénomène ne se limite pas aux secteurs liés à Internet, même l’agriculture aujourd’hui y a recours afin d’optimiser sa production. A l’origine, les entreprises utilisaient principalement ces données pour développer de nouveaux produits et effectuer du marketing personnalisé, mais ce ne sont pas là les seuls usages. En effet, beaucoup de processus sont aujourd’hui automatisés grâce à l’analyse et la collecte de ces données. D’ailleurs, les données peuvent être utilisées dans différents contextes sans qu’elles ne soient abusées pour autant, explique-t-il. Contrairement au pétrole, les données ne sont pas à usage unique, on peut donc les utiliser dans plusieurs contextes à la fois. La principale particularité de ces données, qui en fait d’ailleurs aussi la valeur, est qu’elles peuvent être utilisées dans différents secteurs et que l’on ne connaît généralement pas encore tous les cas d’utilisation qui en seront faits lors de leur collecte.

Il souligne également un autre domaine essentiel pour l’OCDE : les compétences dans la collecte des données et la protection des données. En effet, les données deviennent un vecteur important dans l’économie, d’où l’importance du niveau des compétences des différents experts qui seront amenés à traiter et protéger ces données. Le concept d’Open Data est également primordial à ses yeux. Il faut pouvoir être en mesure d’extraire ses propres données d’une structure et les utiliser dans un autre contexte : par exemple les fournir à une entreprise concurrente si on le souhaite…

Nous avons effectivement aujourd’hui la capacité de traiter un grand volume de données, mais aussi une plus grande variété, observe Charles Huot, DG Délégué et co-fondateur de Temis, Président du comité éditorial de l’Alliance Big Data. Ce qui est nouveau repose sur le côté flux permanent de données. Le traitement des données est inépuisable ; on n’aura donc jamais d’appauvrissement de la ressource. Dans les années à venir, beaucoup de processus vont s’effectuer de manière automatique, les objets connectés prendront les décisions... Pour lui, le phénomène Big Data est d’ailleurs, en ce sens, quasiment aussi important que celui de l’arrivée d’Internet. La vraie différence aujourd’hui est que les gens ont compris qu’en analysant les données, on pouvait améliorer les produits, en créer de nouveaux… Cela offre donc de nouvelles possibilités. Les outils ne sont pas vraiment au cœur du débat, les véritables questions à se poser sont plutôt de savoir si on a le droit de traiter ces données ? De quelle manière ?... Ces interrogations nécessitent une réflexion globale, c’est d’ailleurs le rôle de l’Alliance Big Data, explique-t-il.

Ils savent des choses sur nous-mêmes que nous ignorons encore…

L’analyse prédictive est aujourd’hui utilisée par de nombreux acteurs, afin de détecter et anticiper les comportements des utilisateurs, observe le Dr Rand Hindi, Snips. Elle repose notamment sur la collecte et l’exploitation de la « data », présente à peu près partout, qui peut être définie comme « une observation qui a été persistée ».

L’affaire PRISM a été largement mise en avant en 2013, mais des acteurs, tels que Facebook ou Google, font la même chose chaque jour sans que nous en ayons véritablement conscience, puisqu’ils collectent d’énormes masses de données pour analyser ce que font les gens. Et les cas d’usages sont multiples. Avec l’analyse de toutes les informations qu’il recueille, Facebook est, par exemple, capable de « prédire » quel couple va se former avant même que le couple lui-même n’en ait conscience. Il prédit aussi les ruptures... Dans le même style, on retrouve la start-up Okcupid qui détecte la compatibilité des personnes. En France, on peut, par exemple, citer la société Criteo qui effectue du targeting comportemental.

Dans un autre registre, on peut aussi mentionner le cas l’an passé de la chaîne de magasins Target, qui a adressé des produits pour femmes enceintes à un père de famille, jusqu’à que celui-ci apprenne la grossesse de sa fille adolescente… Les acteurs de la géolocalisation, quant à eux, se disent capables de prévoir notre position du lendemain… Plus largement, l’Internet des objets (« Google Glass »…) dans son ensemble produit également de la donnée sur les personnes dans leur quotidien.

Certains fichiers sensibles, comme par exemple les fichiers ADN, sont également au cœur de nombreux enjeux. Que se passera-t-il le jour où un enfant apprendra, par le biais de ces systèmes d’analyses de données, que son père n’est pas vraiment son père ?

L’exploitation des données ne signifie pas indéniablement abus et non respect de celles-ci

Il cite toutefois des cas d’usage qui visent à améliorer la qualité de vie des individus, sans pour autant altérer ou abuser les données : « Notre société Snips travaille sur la possibilité de rendre les villes plus « vivables » et d’offrir aux citoyens des services qui leur simplifiera la vie. Il cite, par exemple, le cas de l’application Tranquilien, développée en partenariat avec la SNCF. En utilisant des modèles prédictifs, Tranquilien indique aux usagers quels trains auront le plus de places assises disponibles. Les prédictions de Tranquilien sont mises à jour en temps réel en utilisant les informations, anonymisées, fournies par les voyageurs. Ce système permet d’améliorer en continu le service et de prévoir l’impact de nouveaux évènements sur le réseau.

Ce qui nous intéresse est d’essayer de superposer les différentes données obtenues et de déterminer tout ce qui s’est passé autour de tel ou tel événement. L’objectif est de comprendre le pourquoi du comment un phénomène a eu lieu, et de savoir de quelle manière la data peut aider à déterminer ce qui s’est passé. La valeur de la donnée agrégée est différente de celle obtenue avec la donnée individuelle. L’amas de ces données permet, en effet, de modéliser des contextes et scénarios très précis. Nous analysons, d’ailleurs, les flux de population de manière globale, pas les individus au cas par cas », explique-t-il.

Outre les places assises dans un train, ce type d’analyse prédictive permet aussi de prédire les places de parking disponibles, ce qui peut être dangereux sur la route et à quel moment, mais aussi les moments les plus creux pour effectuer la maintenance, dans un bureau de poste par exemple…

Cependant, les analyses prédictives connaissent aussi leurs limites et les faux positifs ne doivent pas être négligés. Il explique, par exemple, que selon les analyses prédictives le réchauffement climatique serait corrélé avec l’activité des pirates, ou la croissance de Facebook avec la crise en Grèce, ce qui n’a bien entendu aucun sens, ni aucun rapport... Tout dépend, bien entendu, de la qualité des données recueillies. Sans compter que le Big Data ne remplace en aucun cas l’intuition humaine, il vient seulement la renforcer.

Nous l’aurons compris, l’exploitation des données, notamment à caractère personnel, se trouve aujourd’hui au cœur de nombreux enjeux économiques. Toutefois, elle ne signifie pas indéniablement abus et non respect de celles-ci. Outre la règlementation qui devra venir encadrer ces usages, c’est aussi aux différents acteurs de se fixer des limites sur l’utilisation faite de ces données. Le CIL sera d’ailleurs une pièce maîtresse dans l’accompagnement de ces démarches. Enfin, on observe encore trop souvent un conflit dans les discours entre l’innovation et la privacy, alors que les deux ne sont pas incompatibles. D’ailleurs, la réelle innovation sera plus marquée dans des technologies ou services qui respecteront la privacy par essence. La « Privacy by Design » est donc promise à un bel avenir !


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